2/ La circulation du titre de dette

L’investisseur ayant acheté les titres essaie de gagner encore plus et de réduire au maximum les risques qu’il porte.

  • En ce qui concerne les gains, le plus probable, c’est qu’il ne va pas se contenter de percevoir régulièrement les intérêts. Il va vraisemblablement essayer de réaliser un gain supplémentaire sous forme d’une plus value : il va tenter de trouver un autre investisseur (n°2), auquel il arrivera à revendre le titre plus cher qu’il ne l’a acheté
  • En ce qui concerne les risques, si l’investisseur (n°1) a le moindre doute sur la capacité de remboursement du débiteur, donc s’il pense que le degré de risque qu’il porte en détenant ce titre est trop élevé, il s’en débarrasse en le vendant sur le marché, en le « liquidant », quitte à le vendre moins cher qu’il ne l’a payé (moins value) s’il estime que l’objectif prioritaire est devenu de se débarrasser de créance douteuse

 

Qui est cet investisseur n°2 qui rachète le titre ?

  • Soit un investisseur mal informé, qui ne sait pas que le débiteur présente des risques d’insolvabilité donc que le titre est de mauvaise qualité (dans ce cas, Inv2 est victime d’un défaut d’information sur le degré de risque) (il peut s’agir d’une information cachée (on dit aussi anti-sélection ou sélection adverse) par Inv1 d’où Inv2 choisit un titre contraire à ses intérêts :, il est victime d’un type d’asymétrie d’information)
  • Soit un investisseur qui se spécialise dans des opérations spéculatives (par exemple, il fait le pari que
  • Inv1, le vendeur du titre surestime le risque, que ce risque ne se matérialisera pas, et donc que, quand la confiance sera revenue, il pourra revendre le titre plus cher, en dégageant une plus-value
  • variante : que le risque se matérialisera mais qu’il trouvera bien, à ce moment-là, un opérateur mal informé auquel il arrivera à revendre le titre, là encore avec plus-value ou, au moins, avec une moins-value acceptable.

Ce deuxième type de comportement explique que les « hedge funds » opèrent beaucoup sur ce type de titres.

 

Remarque : le rôle des produits dérivés (les titres qui s’échangent sont des dérivés des crédits initialement accordés par les banques)

 

  • les opérations de titrisation puis de circulation des titres font intervenir des agents au comportement différent face au risque
  • donc elles intègrent l’utilisation des produits dérivés qui permettent

 

  • soit de se couvrir (aversion au risque)
  • soit de spéculer (prise de risque)

Ce qui accroît encore les opérations en chaîne sur les marchés financiers.

 

b) L’accélération de la titrisation à partir de 2004

A partir de 2004, dans un contexte de taux d'intérêt bas et d'épargne mondiale abondante à la recherche de rendement, la titrisation a connu une nouvelle phase de développement, plus explosive celle-là, autorisée par un ensemble d'innovations dans les produits financiers, de changements réglementaires (élimination des barrières entre produits, institutions ou marchés) et institutionnels (nouvelles entités au sein du secteur financier - private equity firms, hedge funds...). Alors que des normes mondiales de fonds propres étaient adoptées pour renforcer la solidité du système bancaire (cf. les ratios prudentiels de Bâle I, puis II), cette explosion de la titrisation a engendré un processus de désintermédiation bancaire à grande échelle.

1/ Le problème de départ

On vient de voir que l’investisseur Inv1, en achetant le titre émis par la banque, accepte de prendre le risque lié au défaut de paiement éventuel de l’emprunteur. Son problème, c’est que c’est lui, et lui seul, qui supporte le risque. Ce qui peut le faire hésiter à acheter le titre.

Ce qui est préjudiciable pour les deux intervenants à l’opération. Si, effectivement, l’investisseur n’achète pas le titre

  • l’investisseur est perdant : il perd un gain potentiel
  • la banque également est perdante : elle est bridée pour accorder de nouveaux prêts :
  • elle est privée de liquidités nouvelles :
  • elle ne peut « sortir » ce prêt de son bilan

 

2/ la solution : la titrisation est faite par des « véhicules de titrisation » proposant des « produits structurés » censés offrir de sérieuses garanties aux investisseurs.

Un nouveau maillon est introduit dans la chaîne : le « véhicule de titrisation » ou « conduit », « structured investment vehicles » (SIV). La Banque ne traite plus avec un investisseur mais crée un intermédiaire, le SIV, qui s’intercale entre la banque et les investisseurs.

a/ La banque rassemble des crédits

Ce sont des crédits qu’elle a accordés et dont elle veut transférer le risque.

b/ La banque vend ces crédits à un véhicule de titrisation (SIV)

Souvent créés par la banque elle-même, les SIV sont des structures ad hoc à qui la banque vend ces titres et qui les achètent bien souvent à crédit…accordés par la banque elle-même par manque de fonds propres.

On retrouve le fait déjà exposé que la banque a sorti les titres et les risques attachés de son bilan, donc respectant artificiellement mieux le ratio de fonds propre de Bâle et se donnant ainsi la possibilité d’accorder des crédits supplémentaires…qu’elle titrisera, etc.

c/ Le véhicule de titrisation fabrique des produits dits « structurés » avec les titres de dette achetés

Le véhicule propose aux investisseurs d’acquérir non pas une dette isolée, par exemple un crédit bancaire, comme précédemment mais un produit financier complexe représentant une combinaison de diverses dettes. (produit financier dit structuré), de manière à ce qu’ils obtiennent :

  •  un rendement élevé, en combinant au mieux des dettes de rendements différents
  • avec un risque limité, en combinant des dettes de risques de degrés différents (il est peu probable que tous les risques se matérialisent en même temps).

Ceci est a priori impossible, cf. la théorie des choix de portefeuille de Tobin et Markowitz.

 

Prenons l’exemple d’un produit structuré, le CDO (Collateralised Debt Obligations, obligations structurées adossées à des emprunts)). Pour cela, le SIV compose des paniers d’actifs (CDO) de nature et de niveau de risques différents (crédits à la consommation, crédits immobiliers, crédits aux entreprises, etc.).

On distingue concrètement les tranches :

  • Des tranches dites senior, qui ont une très forte probabilité d'être remboursées à échéance (peu risquées) mais ont un rendement faible
  • des tranches intermédiaires dites mezzanine plus rémunératrices mais plus risquées
  • des tranches equity qui ont un rendement plus élevé mais qui, en cas de défaillance sont les premières à subir les pertes.

d/ Les produits structurés sont confectionnés avec l’aide d’agences de notation qui notent les titres (rating) et les produits structurés

Ces agences de notation font rémunérer leurs services par leurs clients (SIV, Banques) et leurs notes sont censées servir de repères aux agents sur les marchés financiers.

Elles sont donc juge et partie (ce qui les amène à dissimuler le risque réel) : ce sont les grandes responsables (non unique) de la crise et elles continuent aujourd’hui dans la quasi impunité (avec les banques qui savaient elles-mêmes que les notes étaient fausses et sont aussi coupables)