(Ceci n'est que la trame du cours reflétant les notions abordées. Elles sont illustrées en amphi : les exemples ne sont pas repris ici)

 

2.1. Une tendance longue à la réduction des inégalités de revenus jusqu’aux années 1980 dans les pays de l’OCDE

 

2.1.1. Constat : une réduction tendancielle des inégalités de revenus

 

Période

 

Canada

France

Allemagne

RU

EU

1930-1950

“La grande compression”

 

D9

 

- - -

- -

- -

 

- -

D1

+ + +

 

- - -

 

+ + +

 

1951-1964

“L’âge d’or”

 

D9

 

+ +

+

(=)

+

+ + +

D1

- -

- -

+ +

- -

- - -

 

1965-1979

« La poussée égalitaire »

 

D9

 

(=)

-

(=)

-

(=)

D1

+

+ +

+

+ + +

+ +

 

1980-

Récentes décades…

 

D9

 

(=)

(=)

+

+ + +

+ + +

D1

(=)

+

(=)

-

- - -

 

 

Source : A B .Atkinson, The Long Run Earnings Distribution in Five Countries, Ruggles Lecture Final 2006, Nuffield College, Oxford

 

 

Les études portent sauf précision sur les revenus primaires (« earnings ») de manière à laisser de côté la problématique de la redistribution et de choix de société y afférant.

 

Le profil d'évolution des inégalités dans le très long terme révèle quasiment partout un déclin très important de la concentration des revenus primaires au cours du premier XX° siècle, puis une relative stabilité entre 1945 et le début des années 80.

 

Dans l'ensemble des pays considérés, la concentration des revenus ainsi mesurée a fortement chuté entre 1915 et 1945 : elle a été divisée en moyenne par 5 au cours de la première moitié du siècle dernier, ce qui est considérable. Les évolutions historiques demeurent toutefois marquées par des spécificités nationales fortes : 'Allemagne, par exemple, n'a pas fait l'expérience d'une compression massive de la concentration des revenus entre 1925 et 1945, et la part des revenus les plus élevés s'est donc maintenue après guerre à des niveaux sensiblement supérieurs à ceux des autres pays européens.

 

2.1.2. Les explications

Le XX° siècle est celui de la fin des rentiers.

 

A la veille de la 1° GM, le sommet de la hiérarchie des revenus était dominé par des revenus du patrimoine extrêmement concentrés, et leur poids dans l’économie nationale était considérable.

 

En France, le centile supérieur des revenus est ainsi passé de plus de 20% du revenu total des ménages à environ 7-8% en 2000.

 

Cette fin des rentiers s’explique par le fait que les patrimoines sont devenus nettement moins concentrés que par le passé.

En France, les 1% des successions les plus importantes représentaient plus de 50% du patrimoine total en 1900, contre moins de 20% aujourd’hui.

 

 

L’explication tient dans les chocs des guerres et le jeu des impôts progressifs.

- Destructions physiques de capital lors des deux guerres mondiales dans certains pays, faillites d’entreprises durant la crise économique des années 1930, élagage des patrimoines par l’inflation.

 

Mais ce sont les impôts progressifs qui ont le rôle clé. L’impôt progressif sur le revenu est une création de la fin XIX°, début XX° siècle. En France, il n’existait pas d’impôt sur le revenu avant 1914 (J. Caillaux) et l’impôt sur les successions n’était que de 1% tout au long du XIX° siècle. Il s’agissait donc de conditions idéales pour accumuler des fortunes considérables.

Les taux marginaux monteront d’impôt sur les revenus parfois jusqu’à 90 % !

 

La fin des rentiers est donc due à des circonstances historiques particulières et surtout à des institutions spécifiques.

 

2.2 Depuis les années 1980, des mouvements marqués différenciés

 

2.2.1. Constat : un accroissement contrasté des inégalités de revenus

 

§ Les observations font ressortir une situation paradoxalement stable

 

* Les rapports interdéciles sont relativement stables

Le rapport interdécile correspond à D9/D1. C’est le ratio entre la valeur moyenne du décile des plus hauts revenus et la valeur moyenne du décile des plus bas revenus. 

Rapport interdécile D9/D1 aux Etats-Unis

 

Source : Atkinson, ibidem

Le ratio pour les États-Unis montre une augmentation sur les années 1980 et une stabilité relative depuis : cela contraste avec les impressions que nous pouvions avoir.

 

Pour la France, source Alternatives économiques,  HS n°82, octobre 2007

 

 

* Le partage revenus du travail / revenus du capital est stable et inopérant pour rendre compte des évolutions actuelles

Ce thème a été récemment l’objet de controverses. Celles-ci sont closes du point de vue scientifique : la multiplicité des travaux entrepris et comparés, critiqués, soumis à la réfutation d’autres scientifiques, a permis d’établir les résultats sans ambiguïté.

 

Attention : il reste des écrits doctrinaires, voire obscurantistes, qui nient tous ces travaux pour des raisons dogmatiques.

Mais cette stabilité macroéconomique s’observe dans tous les pays sur longue période, et elle était déjà considérée par J.M. Keynes comme la régularité la mieux établie de toute la science économique.

Source : T. Piketty, Les hauts revenus en France au XX° siècle, Grasset, 2001