Meilleurs voeux à toutes et tous pour cette nouvelle année !

2) Complément

Le dilemme entre Faire et faire–faire a été posé depuis longtemps dans la littérature économique. R. Coase en 1937, dans un article The nature of the firm  publié dans la revue Economica a écrit l’article référence.

Pourquoi dans une économie de marché existe-t-il des firmes, c’est-à-dire des entités au sein desquelles se déroulent des échanges passant hors le marché ? Et ce alors que la science économique dominante, néoclassique, postule l’optimalité de l’échange de marché ; l’entreprise apparaissant alors comme « l’anti-marché »
C’est plus largement la question de la frontière de la firme : que faut-il faire en interne, au sein de l’organisation en internalisant les transactions, que faut-il externaliser via le marché ? Faire ou faire-faire ?

La firme et le marché constituent ainsi deux formes alternatives de coordination économique, la firme se caractérisant par une coordination administrative, la hiérarchie et la suppression du système de prix.

Pour Coase, « Faire ou faire-faire », (« make or buy »), voilà l'alternative à laquelle est soumise la firme.
-  soit elle produit elle-même ce dont elle a besoin, elle le fait (c'est la raison d'être de la firme). Il y a alors possibilité d’intégration verticale.
-  soit elle le fait faire par une autre firme, elle lui achète (il y a alors échange sur le marché)

 

a) Le point de départ de l'analyse : il existe des coûts de transaction

1er cas : si la firme décide de produire elle-même, elle doit tenir compte de coûts de transaction internes à la firme (coûts d'organisation) qui s’ajoutent aux coûts de production habituels (liés au travail et au capital) : diffusion de l'information interne à la firme, diffusion des directives, contrôles, résolutions de conflits internes, … Ainsi, plus la firme devient importante, plus ces coûts deviennent lourds (taille optimale)


2e cas : si la firme décide d'acheter sur le marché, elle doit tenir compte de coûts de transaction propres à l'échange sur le marché : coûts de préparation du contrat (ex : prix et conditions pratiquées par les divers fournisseurs), coûts de négociation du contrat puis coûts de contrôle de la bonne exécution du contrat.


b) Conséquence : la stratégie de la firme selon Coase

La théorie traditionnelle qui soutient que l'utilisation du marché est gratuite explique mal pourquoi, dans ce cas, les agents préféraient ne pas passer par le marché et recourir à une firme à l'intérieur de laquelle les échanges se font justement en excluant le mécanisme des prix de marché. Passer par le marché provoque des coûts spécifiques : il n’est pas toujours avantageux d’échanger sur le marché.
-  Tant que les coûts supplémentaires d'organisation interne sont inférieurs aux coûts supplémentaires entraînés par les transactions sur le marché, la firme a intérêt à produire plutôt que d'acheter : Faire.
- Au-delà, il n'est plus optimal pour elle de produire : il est plus rationnel de s'approvisionner auprès d'autres firmes par l'intermédiaire du marché. Faire Faire


c) Des auteurs prolongeront ces travaux, en particulier le prix Nobel américain O. Williamson en intégrant les notions de notions de rationalité limitée (H. Simon, 1947) et d’incertitude


Il reprend les idées de H. Simon : il postule que les individus ont des capacités cognitives limitées : leur rationalité est limitée et non plus maximisatrice.


Il intègre l’idée que les individus ont un comportement opportuniste, reprenant en cela les travaux relatifs à l’information.

 

Il en retire que les relations entre les firmes sont marquées par l'incertitude qui génère des litiges que même les contrats les plus précis passés entre firmes ne peuvent empêcher : il n’y a pas complétude des contrats, les contrats ne sont pas complets. Il y a donc incomplétude des contrats, ce qui pousse à l’intégration, « faire » plutôt que « faire-faire ». Cette incomplétude existe pour deux séries de raisons :

  • L’existence d’asymétries d'information entre les firmes…
  • L’existence d'aléas exogènes à la relation entre les firmes


Dans un contexte changeant durant la période d’exécution du contrat, chacune des deux parties peut alors essayer d'en tirer parti au détriment de l'autre en adoptant un comportement de passager clandestin.


Les relations contractuelles entre firmes sont marquées par une large part d'incertitude. Même les contrats commerciaux les plus précis ne peuvent prévoir complètement les risques d’où une probabilité forte de litiges entre les firmes favorisant l’intégration.

Tout ceci vient affiner l’appréhension du dilemme Faire / faire faire qui débouche sur les choix d’externalisation explicatifs d’une part de la désindustrialisation.

C. L’impact de la concurrence internationale

 

1) Un cadrage du rôle de ce facteur

 

a) Les échanges en produits industriels se développent alors même que l'on parle de désindustrialisation

       France              1980    2007
exportations /PIB    12%      17%
importations / PIB    11%     18%
Taux d’ouverture     11.5%   18%
 ((X+M/2)/PIB )

 

La responsabilité du commerce international quant aux pertes d’emplois d'industriels: :

  • 45% sur 1980-2007 
  • 30% sur 2000-2007 alors même que" les émergents émergent" sur cette période...

  Les facteurs domestiques pèsent lourd par rapport aux facteurs internationaux, souvent sur-estimés (bouc émissaire commode). La loi de Clarck-Fourastié expliquant les mouvements intersectoriels sur très long terme (§2.A) le montrait déjà.