- Les services

Les économies actuelles sont de plus en plus tertiarisées. Dans ce contexte, il y a divergence d’intérêts :

  Certains pays, parmi les plus développés, sont très performants dans les services et ont intérêt à une libéralisation dans le domaine des services : c’est le cas des E-U et de l’UE. Les revenus des invisibles représentent un moyen d’essayer de compenser les déficits commerciaux éventuels.

  Les réticences à la libéralisation de ces services, importés ou produits sur place, tiennent au fait que dans beaucoup de pays, en particulier les PED, on craint que les prestataires de services locaux soient incapables de résister à la forte compétitivité des concurrents étrangers. Dans d’autres cas, une partie importante des services, en particulier en UE, est gérée par l’État sous forme de services publics (désignés désormais par l’appellation de service d’intérêt général dans l’UE). Cela soulève des problèmes économiques et sociaux. Et la crainte d’une marchandisation croissante des activités sociales. Des raisons politiques peuvent aussi être évoquées (médias, information, etc.)

 

- Les tentatives de libéralisation accrue des IDE

Les investissements directs à l'étranger (IDE) sont une composante déterminante de l’économie mondialisée contemporaine. Ils sont l’élément essentiel du processus de multinationalisation. Ils servent à réaliser sur place (à l’étranger) des biens (ou partie de ces biens, DIPP) et des services (cf. supra). Ces IDE sont actuellement régis par des accords bilatéraux (il en existe environ 2000). Les pays d’accueil signent avec les pays d’origine des accords prévoyant spécifiquement quels IDE ils acceptent : dans quels secteurs ils acceptent que des entreprises étrangères s’implantent dans le pays, à quelles conditions, avec quels avantages et quelles contraintes.

Une première tentative d’harmonisation, dans le cadre de l’OCDE, en 1998, avait échoué (l’AMI, Accord Multilatéral sur l’Investissement) en particulier à cause de la part trop belle faite aux multinationales (liberté d’installation et de manœuvre dans les pays d’accueil qui revenait à dépouiller les États nationaux de l’essentiel de leur pouvoir de régulation en la matière) et des rivalités et des oppositions d’intérêts entre pays développés, chacun souhaitant protéger certaines activités particulières, menacées (ex France : activités audiovisuelles) tout en revendiquant une plus grande liberté d’implantation à l’étranger pour d’autres (exemple France : services de traitement de l’eau, savoir faire important en ce domaine).

Un projet d’accord multilatéral sur les IDE est en discussion (Doha) mais il se heurte aux difficultés liées aux points de vue forts de chacun, Union européenne, Etats-Unis et pays émergents.

 

 

* Les difficultés du cycle de Doha qui n’est toujours pas clos avec 7 ans de retard et des blocages qui paraissent insolubles à ce jour

 

Les blocages sont nombreux mais le dossier agricole cumule les obstacles lourds. Il existe une forte intervention publique des nations les plus développées en faveur de leurs agriculteurs et les aides accordées à ceux-ci évincent les producteurs des pays peu développés des marchés mondiaux. Les PED demandent donc un abandon des aides publiques à l’agriculture aux PDEM, ce qui dans les négociations conduit les PDEM à une exigence de contrepartie dans l’ouverture plus grande des marchés des marchandises et des services à leurs exportations. Le principe des négociations multilatérales est en effet la rencontre d’offres et de demandes de libéralisation du commerce international. Pour que la négociation aboutisse, il est nécessaire que les différentes parties obtiennent toutes un gain net. Les PED sont aujourd’hui sceptiques sur l’existence de gains en leur faveur, en l’absence d’un retrait de l’intervention publique des PDEM en faveur de l’agriculture et d’une ouverture de leurs marchés. Après bien des rebondissements, un projet de compromis a été proposé en juillet 2008 mais cela a échoué, en particulier du fait de l’Inde qui n’a pas voulu ouvrir son marché aux exportations agricoles, concession demandée par les E-U pour abandonner leurs subventions à ce secteur. L’inquiétude pour les 600 millions d’agriculteurs indiens a prévalu sur d’hypothétiques gains dans d’autres secteurs d’activité.

L’OMC souffre également de critiques quant à son fonctionnement non démocratique malgré la règle formelle un pays / une voix et du défaut d’accès à l’expertise pour les débats et la décision de la plupart des pays les moins avancés en particulier. L’extension du champ des débats de l’OMC à des domaines de souveraineté n’est pas non plus étrangère aux crispations des États et des populations. Rajoutons à cela suivant les pays les oppositions raisonnées ou non à la mondialisation, au marché, au libéralisme.

La règle de l’unanimité dans les décisions est de toute façon rédhibitoire pour parvenir à un accord entre autant de pays et sur autant de domaines.

 

b) Le développement des accords préférentiels commerciaux

Depuis la création de la CEE, le multilatéralisme promu par le GATT se développe avec la présence d’un régionalisme commercial, généralement compatible avec le multilatéralisme dès l’instant qu’il entraîne une création nette de trafic.

C’est autre chose qui semble se produire avec les derniers accords préférentiels commerciaux signés de plus en plus hors de toute proximité régionale.

 

En juillet 2007, deux cent quatre accords notifiés à l’OMC étaient considérés comme appliqués.

Le premier accord d’envergure de l’après-guerre est le Traité de Rome (1957) entre les six pays européens [214.33]. On assiste, dès le début des années 1960, à une vague d’accord en Europe, en Amérique latine et en Afrique : Association européenne de libre-échange (1960), Marché commun d’Amérique centrale (1960), Marché commun africain (1962), Pacte andin (1969). Les pays concernés ne sont d’ailleurs pas tous signataires du GATT.

La vague des années 1970 implique surtout l’Union européenne qui multiplie les accords bilatéraux avec les autres pays européens, les pays méditerranéens, les pays africains (Convention de Lomé, 1975).

Dans les années 1980, le mouvement prend une certaine ampleur : Groupe andin (1987), Mercosur (1991), entrée progressive des pays de l’ASEAN dans une zone de libre-échange (1991). Les États-Unis prennent l’initiative d’accords avec Israël (1995), et le Canada et (1988). Cette dernière initiative est élargie quelques années plus tard au Mexique (Alena, 1992). Cela alimente le commerce intra zone présenté supra, surtout pour l’Union européenne, l’Alena, le Mercosur et l’ASEAN.

 

Depuis les années 2000, on assiste à une nouvelle vague d’accords bilatéraux, souvent entre pays lointains. Tous les pays fondateurs de l’OMC adhèrent aujourd’hui à au moins un accord préférentiel. On remarque que de plus en plus d’accords sont dus à la multiplication d’accords entre pays parfois très éloignés, ce qui remet en cause la terminologie de l’OMC qui parle d’accords régionaux à leur propos.

  • UE - Corée du sud à partir de juillet 2011
  • Projet Canada - Japon en mars 2012

 

 

 

Dans l’analyse des accords préférentiels, on en vient à distinguer les zones « naturelles » et les zones « construites », qui reposent sur des accords préférentiels.

En effet, les pays échangent d’autant plus qu’ils sont géographiquement et économiquement proches. Les études montrent que la distance reste un obstacle au commerce. Une ouverture multilatérale peut donc conduire à une augmentation « naturelle » des échanges entre pays voisins. Les zones construites profitent au contraire d’avantages, c’est-à-dire de préférences réciproques qui favorisent les échanges intrazone.

Le multilatéralisme tel qu’il est codifié par le GATT et l’OMC impose d’accorder à tous les pays membres le même régime commercial. Cette clause de la nation la plus favorisée doit faire bénéficier les autres pays membres de l’OMC des préférences commerciales qu’ils accordent à d’autres. Les zones « construites » dérogent donc à la clause de la nation la plus favorisée même si cette exception est prévue dans les textes. Ces exceptions ne se réalisent pas toujours dans un cadre régional ; elles n’exigent pas toujours la réciprocité (avec certains PED).

 

Le régionalisme a été plutôt complémentaire du multilatéralisme jusqu’à aujourd’hui. Les accords préférentiels hors base régionale remettent peut-être cela en cause.