2. En prenant du recul, ce que nous apprennent ces deux siècles d’histoire économique sur les relations commerciales internationales

 

A. En matière de politique commerciale

 

- Le protectionnisme provoque perte de bien-être et appauvrissement.

Les mesures protectionnistes sont le fruit d’une demande de protection de certains groupes auprès des pouvoirs publics dans le but de s’accaparer une rente (captation de rente). La population n’a aucun intérêt à soutenir ces demandes : elle n’a rien à y gagner.

 

- Le libre-échange n’est pas une politique commerciale optimale : il ne conduit pas à la croissance et à l’élévation des niveaux de vie. Ou du moins c’est le libre-échange tel qu’il est défini habituellement, sous la forme d’un libre-échange concurrentiel, unilatéral.

 

- Si protectionnisme et libre-échange (concurrentiel, unilatéral) sont deux mauvaises politiques commerciales, il n’y a pas d’issue !

La moins mauvaise des politiques commerciales est le libre-échange coopératif, négocié, concerté.

 

Remarque : pour les pouvoirs publics, le « Principe de ciblage » est extrêmment souhaitable : il vaut mieux agir au plus près du problème plutôt que de vouloir agir sur les conditions mêmes de l’échange : le risque, sinon, est la dillution des actions ou la captation de leurs effets par des groupes qui n’étaient pas destinataires de ces actions.

 

B. En termes d’organisation du système commercial international

 

* Après des décennies de guerre commerciale, le recul de l’unilatéralisme et du bilatéralisme (définitions)

L’unilatéralisme se définit par l’absence de règles collectives et donc par l’autonomie complète de décision de chaque pays : il est seul juge de la politique commerciale qu’il impose à ses partenaires, de la façon dont il généralise ou pas à l’ensemble de ses partenaires commerciaux la manière dont il traite un pays particulier (par exemple une hausse ou une baisse des droits de douane sur les produits qu’il lui achète) et de la façon dont il négocie des accords de libéralisation commerciale. En somme, il décide souverainement s’il veut pratiquer le libre-échange ou le protectionnisme, dans quelle mesure et vis-à-vis de qui.

 

 

Le bilatéralisme est de l’unilatéralisme associé à la réciprocité bilatérale c’est-à-dire à la signature d’accords entre deux pays (« accords bilatéraux »), qui se concèdent mutuellement des avantages commerciaux (réduction voire suppression de restrictions quantitatives, de droits de douane) : ce principe vise à exiger de la part de chaque partenaire le même traitement que celui qu’on lui accorde (réciprocité).

 

 

* Depuis la signature du GATT, le multilatéralisme a progressé, associé au régionalisme (comme un pôle de croissance de libre-échange coopératif) : recul de la protection et progression du libre-échange coopératif, négocié : l’échange est devenu davantage un jeu à somme positive pour les participants.

Il reste des progrès à faire dans l’équilibre des échanges : les pays en développement sont généralement demandeurs de plus de mondialisation, mais négociée (libre-échange coopératif).

 

Le multilatéralisme est constitué par un accord commercial :

  • qui a vocation à réunir le nombre le plus élevé possible de pays (latin : multi = nombreux)
  • qui est caractérisé par la non discrimination : toute préférence commerciale accordée à un pays est généralisée à l’ensemble des pays signataires. C’est donc une coopération totale. (il y a équité, égalité de traitement)
  • dont il est souhaitable qu’il soit complété par la création d’une institution supranationale destinée à régler les litiges qui naîtront inévitablement de l’application de l’accord.

 

 

L’intégration commerciale régionale est caractérisée par la signature d’accords commerciaux entre pays géographiquement proches qui constituent une « région » du monde.

  • Il s’agit d’une coopération partielle, au sens où elle ne concerne qu’un nombre restreint de pays.
  • Ces accords sont discriminatoires en ce sens qu’ils impliquent une inégalité de traitement entre les pays signataires (« pays membres ») et les autres (« pays tiers »). Il y a accès préférentiel (très généralement réciproque) aux marchés des pays membres et le maintien d’une politique plus restrictive vis à vis des pays tiers.
  • Par de tels accords, les pays membres abandonnent une partie de leur souveraineté en matière de politique commerciale : les pays membres signent un traité international de libre échange par lequel ils s’interdisent de prendre des mesures protectionnistes vis-à-vis des autres pays membres. Ils limitent donc volontairement leur liberté d’action.

 

* Aujourd’hui, le cycle de Doha reste inachevé : le multilatéralisme semble en panne, ou du moins son extension. Trop exigeant sur les enjeux, unanimité introuvable pour la prise de décision.

La multiplication des accords préférentiels hors situation de régionalisme semble correspondre aux besoins de décisions sur certains sujets pour certains plus que pour d’autres. C’est la recherche d’accords partiels, sur certains sujets, avec certains partenaires plus concernés.

Ce sont moins les accords préférentiels qui fragilisent le multilatéralisme que les difficultés du multilatéralisme qui encouragent la prolifération des accords préférentiels.

 

D’aucuns parlent de « minilatéralisme » à propos de la dé-régionalisation des accords préférentiels.

Le problème : C’est le bilatéralisme qui risque de reprendre de l’importance au détriment de pratiques multilatérales plus coopératives.

 

 

Conclusion élargie : mondialisation commerciale et au-delà

 

Si l’on fait le point sur les trois aspects de la mondialisation économique souvent appréhendée comme un tout, il ressort un regard très contrasté.

 

* Mondialisation commerciale (référence au cours présent) :

Il semble y avoir plutôt consensus sur un d’un libre-échange coopératif, avec une organisation multilatérale et régionale.

Il ne semble pas y avoir de freins massifs au commerce international nécessitant une nouvelle vague de libéralisation des politiques commerciales au point de bousculer lourdement des équilibres… Doha était peut-être inutile, en tout cas inutilement ambitieux.

Nombreux sont ceux qui insistent sur le fait que le développement, puisque c’était l’ambition initiale du cycle, dépend d’autres facteurs plus puissants que le seul commerce. Le commerce international n’est peut-être pas le facteur le plus important… : progrès technique (au sens large), qualité des institutions.

 

 

* Mondialisation de la production ( référence au cours sur la désindustrialisation et aux remarques dans ce chapitre)

Elle dépend de choix privés quant à l’organisation de la production (coûts, DIPP, fragmentation) mais encore plus du fait que les entreprises veulent souvent être là où est la demande en croissance (bien plus que des coûts).

Les paramètres publics sont plus de l’ordre de la fiscalité et des réglementations ou de l’offre d’infrastructures de qualité.

Les facteurs environnementaux et énergétiques en particulier seront de plus en plus prégnants.

 

Pour un gouvernement, la démondialisation (productive) ne semble pas pouvoir se décréter…

 

* Mondialisation financière : (référence au cours de l’an dernier)

 

Aucun travail scientifique ne permet de montrer qu’un marché mondial des capitaux améliore l’allocation de l’épargne au profit de l’investissement et du développement.

 

C’est même tout le contraire que l’on observe. La libre circulation des capitaux accrue est même toujours synonyme de crises financières et bancaires plus nombreuses et plus fortes (Travaux de C. Reinhart et K. Rogoff, Cette fois c’est différent, huit siècles de folie financière, Éditons Pearson)

 

 

Il est donc urgent de restreindre la libre circulation des capitaux.

 

La démondialisation souhaitable est la démondialisation financière.