NB : en cours nous manipulons des exemples historiques et des situations actuelles variées. Ces dernières ne sont pas retranscrites ici.

 

C. La tyrannie de la majorité

Le despotisme est le danger majeur qui menace la démocratie, danger qui est en germe dans l'omnipotence de la majorité. « Je regarde comme impie et détestable cette maxime, qu’en matière de gouvernement la majorité d’un peuple a le droit de tout faire et pourtant je place dans les volontés de la majorité l'origine de tous les pouvoirs. Suis-je en contradiction avec moi-même ? ». Ce règne de la majorité (tyrannie de l’opinion publique dirait-on aujourd’hui) peut être tyrannique et étouffer l'indépendance des individus et par conséquent se retourner contre la démocratie.

« Je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tourne sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Au dessus de ceux-là, s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. ». Bien que les hommes souhaitent en général et l’égalité et la liberté, s’il faut choisir entre les deux, ils préféreront l’égalité, y compris au prix de la servitude, dès lors que l’Etat leur garantira un minimum de sécurité et de confort matériel.

 

3. Comment concilier égalité et liberté face au risque de despotisme démocratique ?

Il faut rappeler que le risque de despotisme ne vient pas de l’inégalité des conditions mais au contraire de l’égalisation des conditions parce que les Hommes se déchargent sur le Pouvoir de tout ce qui n’est pas leurs intérêts particuliers, y compris sur un pouvoir fort liberticide dès l’instant qu’il assure l’égalité.

« Les nations de nos jours ne sauraient faire que dans leur sein les conditions ne soient pas égales ; mais il dépend d’elles que l’égalité les conduise à la servitude ou à la liberté, aux lumières ou à la barbarie, à la prospérité ou aux misères ». Il faut alors que la société démocratique s’organise pour réussir à concilier égalité et liberté. Tocqueville recherche des « correctifs à la tyrannie majoritaire ».

 

A. La séparation des pouvoirs et un pouvoir judiciaire fort

Tocqueville voit dans la séparation des pouvoirs (Montesquieu) un correctif au despotisme.

 

B. La promotion de la liberté d’association source de contre-pouvoirs

L’existence de contrepouvoirs se situe également et surtout dans la société civile à travers les associations qui jouent le rôle de corps intermédiaires : l’individu n’est plus seul et isolé face au pouvoir central. Les associations permettent de retisser les liens que l’égoïsme avait dénoués.

Tocqueville écrit cela dans le contexte de la loi Le Chapelier en France qui depuis juin 1791 interdit aux Hommes de s’associer. Il faut attendre en France 1884 pour l’autorisation des syndicats et l’abrogation de la loi Le Chapelier ; en 1901, la France se dote d’une loi régissant les associations.

 

C. La décentralisation et le développement du pouvoir local

Tocqueville considère que la centralisation administrative fournit à la majorité l’instrument de sa tyrannie. Il voit la commune comme le niveau où les hommes se sentent le plus proches les uns des autres en dépit de leurs différences. C’est là que « la société y agit par elle-même sur elle-même ».

 

D. Le pluralisme politique

 

E. la liberté de la presse, pluraliste s’entend

 

 Aux Etats-Unis spécifiquement, il ajoute la religion : alors qu’en Europe l’esprit de religion et la liberté se sont constamment opposés, aux Etats-Unis il en va autrement en raison de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

 

 

Schématisation - Tocqueville
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Conclusion

 

En fait, Tocqueville observe des évolutions qui le conduisent à s’inquiéter quant à la possibilité de concilier vraiment liberté et égalité :

  •  En France, les bourgeois ne sont pas très attachés à la liberté (la bourgeoisie française accepte le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, qui leur semble le seul capable de faire obstacle aux mouvements révolutionnaires) et la plupart des réformateurs sociaux n’ont en tête que l’égalité sociale, considérant les libertés politiques comme secondaires (cette idée, très forte chez les marxistes –distinction entre libertés réelles et libertés formelles- ouvrira la porte aux errements de la dictature du prolétariat et de ses avatars les plus sanglants au XXe siècle).
  • En Grande Bretagne, c’est encore pire : Tocqueville y constate la combinaison des côtés négatifs de la société traditionnelle (l’hérédité des positions, la société est figée) et de la société industrielle (l’exploitation des ouvriers dans le système des manufactures). Tocqueville parle d’« aristocratie industrielle ».

Tocqueville place la liberté comme une valeur fondamentale dans un monde où la hiérarchie et l’autorité laissent peu de place à l’individu.

A la différence de A. Smith et de nombreux auteurs libéraux, il ne pense pas que la recherche de son intérêt particulier par chaque individu conduise à l’intérêt général : au contraire, cet individualisme « d’une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tourne sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme » risque de se transformer en individualisme – égoïsme et conduire à la tyrannie.

Contrairement à d’autres penseurs libéraux, il prône « la participation active et constante des individus au pouvoir collectif » car il pense que c’est parce que les hommes abandonnent à l’État le soin des affaires publiques en se souciant seulement de leurs jouissances privées que l’appareil étatique gagne chaque jour en extension au risque de la tyrannie.

 

Opposé à ceux des libéraux pour qui l’intérêt général se réduit à la somme des intérêts particuliers, il s’oppose également aux rousseauistes qui au nom de l’imperium de l’intérêt général ont fait basculer la Révolution de 1789 dans la Terreur de 1793 en niant la possibilité d’un intérêt général compatible avec la diversité des individus.

D’autres terreurs suivront au XX° siècle qui asserviront l’individu au nom du collectif, qu’il soit national-socialiste ou soviétique.