2. 2e approche de l’inégalité (au sein même des pays du sud) : l’inégalité entre pays en développement

La vision dominante des années 1960 et 1970 d’un Tiers Monde homogène, formant un tout, correspond de moins en moins à la réalité contemporaine dans la mesure où, sur la deuxième moitié du XXe siècle, les parcours des différents pays en développement ont été très divergents : dans les années 1980, on parle déjà de l’ « éclatement du Tiers Monde ».

Les pays du Tiers-Monde ont suivi des stratégies de développement différentes qui ont fonctionné plus ou moins, voire ont été des échecs ; la réalité de ces pays s’est donc nettement différenciée ce qui a poussé à une conceptualisation plus diversifiée des situations de ces pays.

Du coup, cette expression de Tiers Monde, désignant la totalité des pays en développement comme un tout, devient beaucoup moins pertinente. Elle est d’ailleurs de moins en moins employée.

Pour faire vite, on concentre l’analyse sur les deux catégories extrêmes :

  • Les pays les plus pauvres
  • Les pays émergents, c’est-à-dire qui sont en train de sortir du sous-développement

A. La situation (à l’heure actuelle) (approche statique, synchronique)

1) Que ce soit à l’aide d’indicateurs spécifiques, du PIB/ht ou de l’IDH, on peut constater les différences actuelles entre les différents pays en développement, en particulier la situation avantageuse des pays d’Asie de l’Est, et, au contraire, la situation très défavorable de l’Afrique.

La valeur moyenne de l’IDH, utilisée plus haut, recouvre en fait des situations très différente. Si on affinait l’analyse, on retrouverait la même diversité à l’intérieur de chaque catégorie (exemple : à l’intérieur de l’Afrique sub-saharienne : forte différence entre les pays de l’Afrique du Sahel ( O,38) et l’Afrique du Sud [le pays] 0,45).

 

2) Synthèse : l’hétérogénéité du Tiers-Monde s’est traduit assez tôt par sa fragmentation en plusieurs sous-catégories de pays

On retiendra ici les deux catégories extrêmes.

a) Les pays les plus pauvres

1/ 1ère notion (1968) Les pays les moins avancés (PMA)

Cette catégorie a été créée en 1968, lors de la deuxième CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement), pour désigner, d’une manière très pudique, les pays qui concentrent les handicaps maxima (revenu moyen très faible, production industrielle inférieure à 10 % du PIB, taux d’alphabétisation inférieur à 20 %, exportations polarisées sur un ou deux produits, espérance de vie faible).

L’intérêt pratique, pour un pays, d’être officiellement rangé dans la catégorie des PMA, est que cela lui permet de bénéficier de certaines conditions préférentielles en termes d’échanges commerciaux et surtout de financement (aide, endettement) de la part des organismes internationaux (FMI, Banque mondiale, …).

On retient aujourd’hui trois critères :

  • revenu national faible
  • faible niveau de capital humain (nutrition, santé, éducation)
  • vulnérabilité économique (instabilité économique, part importante de la production agricole, exportations non diversifiées, petite taille du pays)

Parmi ces pays, le continent africain domine. On note cependant, dans la période récente, des évolutions favorables en Afrique.

Ces pays sont complètement marginalisés dans la vie économique internationale : alors qu’ils représentent environ 20 % de la population mondiale, ils ne réalisent que 1 % des échanges internationaux.

2/ 2ème notion (1996) : les pays pauvres très endettés (PPTE)

(en anglais : HIPC : Heavily Indebted Poor Countries).

Catégorie créée en 1996, elle concerne une quarantaine de pays en développement dont le niveau d’endettement est jugé insoutenable. Correspond, grosso modo, à la catégorie des PMA.

 

b) Les pays effectivement en voie de développement

1/ 1ère notion (années 1970) : les nouveaux pays industrialisés (NPI)

Catégorie apparue dans les années 1970, elle ne fait l’objet d’aucune définition stricte et sa liste varie d’un organisme à l’autre. Les caractéristiques communément admises pour désigner ces pays sont

  •  un taux de croissance économique fort
  • un accroissement rapide de l’emploi dans le secteur secondaire
  • une augmentation régulière des exportations de produits manufacturés
  •  un écart de niveau de vie avec les pays développés en voie de réduction

Exemple de liste des NPI (1991)

  • CNUCED : Taiwan, Corée du Sud, Hong Kong, Singapour ; Brésil, Mexique ; Yougoslavie.
  • ONUDI (Organisation des Nations unies pour le Développement Industriel) : même liste + Thaïlande, Vietnam, Philippines, Malaisie.

On parle couramment de NPIA (Nouveaux Pays Industrialisés d’Asie), en distinguant plusieurs générations.

 

2/ 2ème notion : Dans la période récente (années 1990), la notion de pays émergents tend à supplanter la notion de NPI

Elle indique la situation de pays qui sortent effectivement du sous-développement. (émerger = sortir d’une situation où l’on était plongé). La notion de pays émergent est plus large que celle de NPI car elle dépasse le seul critère du degré d’industrialisation.

Au début de la décennie 1990, les banques du club de Londres qualifient d’ « émergents » les marchés financiers à fort potentiel de croissance (BRICS). Par extrapolation, le terme d’économies émergentes a fini par désigner tous les pays en développement qui connaissent des taux de croissance élevés.

La période actuelle est marquée globalement par l’émergence de plusieurs pays, en particulier, la progression spectaculaire de trois très grands pays émergents (Chine, Inde, Brésil).

 

B. L’évolution (dans le temps) (approche dynamique, diachronique)

Les inégalités entre pays du Tiers Monde ont tendance à s’accentuer.

Le phénomène s’est accéléré ces dernières années avec l’accélération spectaculaire des performances des deux poids lourds que sont la Chine et de l’Inde.

 

Mais il faut noter que le poids démographique des grands pays émergents (Chine, Inde et Brésil, dont la croissance s’est accélérée depuis la publication de cette statistique) fait que, en termes de moyenne pondérée (par l’effectif de la population), il y a rattrapage global***, ce qui confirme le diagnostic posé plus haut.

 

Lorsqu’on complète les données monétaires (PIB/habitant) par d’autres données (IDH), l’hétérogénéité des PED demeure mais moins flagrante. On obtient une vision plus optimiste de l’évolution : on constate une certaine convergence des niveaux de développement. En effet, le nombre d’individus concernés par un IDH faible a baissé de moitié en un quart de siècle. La tendance générale au développement du système d’enseignement et du système de soins dans l’ensemble des pays en développement (sous réserve des cas de régression déjà signalés, en particulier en Afrique), explique cette tendance.

 

Ainsi, la façon d’appréhender les inégalités conditionne donc le résultat de l’observation.