3. 3e approche de l’inégalité : importance des inégalités au sein des différents pays du tiers monde

A. La situation

René Dumont expliquait que la structure sociale de l’Afrique repose sur une exploitation à trois étages :

  • de la nation tout entière par les élites.
  • de la campagne par la ville,
  • de la femme par l’homme

Ce diagnostic est largement transposable dans de nombreux pays en développement, surtout dans les plus pauvres.

 

1) Les inégalités sociales sont fortes mais il y a tout de même une certaine diversité de situations

a) Globalement, les pays en développement ont une structure sociale assez marquée par l’inégalité

  • Forte concentration des revenus (approche en termes de flux) :
  • Forte concentration des patrimoines (approche en termes de stock)

- L’inégalité de répartition des patrimoines est encore plus marquée mais parfois plus difficile à saisir (exemple : dissimulation de fortunes à l’étranger, … ]

- Exemples de forte concentration du patrimoine :

- au Brésil, 1 % des propriétaires fonciers possèdent 45 % des terres

- au Pakistan, dans les années 1970, 22 familles contrôlent les 2/3 du secteur industriel, les 4/5 du secteur bancaire et ont en dépôt dans des banques étrangères, un demi milliard de dollars, soit le double des réserves monétaires nationales.

 

b) On note cependant une certaine diversité des situations (revenus)

Les inégalités dans les pays en développement comparées à celles des pays développés : malgré l’importance des inégalités dans les pays du Tiers Monde, les inégalités n’y sont pas forcément supérieures à celles de certains pays développés. Exemple : le cas des États-unis où les inégalités sont supérieures à celles du Pakistan.

 

En schématisant (il y a des exceptions), on peut distinguer 3 grands cas de figure dans les pays en développement

  • Plusieurs pays à faible revenu (< 735 $ en 2002) comme la Tanzanie, le Nicaragua, le Vietnam, … sont des sociétés généralement relativement peu inégalitaires. Les solidarités traditionnelles y sont encore assez présentes.
  • Les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (entre 735 et 3000 $) comme le Maroc, l’Indonésie, le Pérou, connaissent des inégalités plus marquées
  • Les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, comme le Gabon, le Mexique, la Corée du Sud (entre 3000 et 9000 $), connaissent un début de processus de réduction des inégalités (progression d’une classe moyenne), avec des exceptions.

 

Il faut noter en particulier le rôle favorable du caractère relativement modéré des inégalités dans certains pays émergents d’Asie, comme la Corée du Sud :

  • En Corée du Sud, les 20 % les plus riches détiennent le 1/3 de la richesse du pays, au Brésil, les 2/3
  • L’existence d’une classe moyenne (remarque en amphi sur la notion, référence à Tocqueville) importante constitue un marché intérieur suffisamment vaste

- pour faciliter le décollage économique
- et surtout pour permettre la poursuite du développement, avec une moindre dépendance vis-à-vis des débouchés extérieurs, même s’ils restent essentiels.

- Sans oublier les aspects liés à la vie démocratique (Tocqueville)

 

2) Les inégalités villes-campagnes

La situation des campagnes est souvent dégradée par rapport à celle des villes

  • activités économiques réduites [agriculture vivrière en crise, concurrence de l’agriculture d’exportation],
  • équipements collectifs absents ou déficients [eau, électricité, téléphone, écoles, hôpitaux, …)
  • d’où un niveau de vie inférieur qui se traduit, par exemple, par des taux de mortalité, en particulier infantile, supérieurs à ceux des villes.

De là un phénomène désordonné d’exode rural qui provoque un développement des villes très mal maîtrisé [bidonvilles (favelas du Brésil, …)]. Plus une ville est grande, plus elle exerce un pouvoir d’attraction fort. El dorado...

 

3) Les inégalités entre hommes et femmes

La médiocre situation des femmes dans la société est un des traits caractéristiques du sous développement.

 

« L’homme le plus pauvre du monde est une femme. […] Tous les jours, elle doit marcher des heures pour se rendre à son lieu de travail. Elle porte sur sa tête jusqu’à 50 kg de charge, sur le dos son dernier enfant, et dans le ventre, bien souvent, un enfant à naître. Au Zaïre, 70 % des tâches domestiques ou de production sont faites par des femmes. Les jeunes filles sont mises à contribution dès l’âge de 10 ans. »

D. Cohen, Richesse du monde, pauvreté des nations. Flammarion, 1997.

 

+ en amphi : nuance quant à l'entrée des PED dans la transition démographique pour démystifier la "bombe démographique" souvent complaisamment évoquée.

 

Une des causes fondamentales de l’infériorité de la condition féminine est l’inégalité face à l’acquisition des connaissances par l’école. Dans les sociétés traditionnelles dominées par les hommes, l’instruction des petites filles est vue comme une menace à leur pouvoir.