Les premiers grands projets de construction européenne formulent des vœux d'intégration politique :

  • V. Hugo au Congrès de la paix (1848) propose une Union pour l'Europe. Il parle de "fraternité européenne". "Un jour viendra où les boulets de canon seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples."
  • A. Briand en 1925 parle des "Etats-Unis d'Europe", expression reprise par W. Churchill en 1946 devant la Société des Nations

 

Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis imposent aux anciens pays belligérants d’Europe de coopérer s’ils veulent pouvoir bénéficier des aides du plan Marshall (1947).

  • C’est l’origine de l’OECE (Organisation Européenne de Coopération Économique, ancêtre de l’actuelle OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économique, 1960). L’objectif des Américains est de favoriser la création d’un ensemble homogène face à la constitution du bloc soviétique (1947 : début de la guerre froide).
  • C'est la création du Conseil de l'Europe (1949) dont la mission est de promouvoir la coopération sur les questions juridiques, sociales et culturelles.

 

En fait, il existe déjà en Europe tout un courant favorable à l’unification.Il est représenté, pour l’essentiel, par l'un des grands courants politiques au pouvoir à cette époque - la « démocratie chrétienne » (parti de centre droit). Ses leaders, au pouvoir en même temps dans les différents pays, sont devenus ainsi les « pères fondateurs » de la construction européenne sont l’Allemand Konrad Adenauer, l’Italien Alcide de Gasperi, les Français Robert Schuman et Jean Monnet.

 

L’objectif est d’empêcher le retour des conflits entre pays européens « Plus jamais ça ! ».

 

La stratégie, selon les pères fondateurs de l’unification européenne, c’est de créer des « solidarités de fait ».

  • L’idée directrice : leur projet est politique ; ils savent très bien que l’économie seule ne peut empêcher la guerre (le « doux commerce » de Montesquieu -idée que le commerce est porteur de paix - n’est pas un principe suffisant). Il s’agit de se donner pour but un espace politique en le construisant par l’économique, sans perdre de vue l’objectif politique. Les différents pays renonceront à la guerre non pas au nom de grands principes mais parce qu’ils auront mis en place des réalisations communes, qu’ils auront rendu leurs économies mutuellement dépendantes, solidaires, par le développement de productions communes et la multiplication des échanges (cf. le « doux commerce » de Montesquieu : le commerce favorise la paix).
  •  On décide de créer ces solidarités de manière progressive :
  • De façon pragmatique, on commence modestement par ce qui est le plus important pour la reconstruction : la production et l’échange de charbon et d’acier (CECA, Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, 1951).
  •  Un projet de Communauté Européenne de Défense est lancé mais il échoue.
  • Six pays – l’Allemagne, la France, l’Italie, la Belgique, la Hollande et le Luxembourg (« Benelux ») décident de créer entre eux une « Communauté Economique Européenne », à compétence générale, et une « Communauté européenne de l’énergie atomique » (« Euratom ») (traité de Rome, 1957).

Des institutions sont prévues pour mettre en œuvre le traité : le but est de nature politique

  • Le Conseil des ministres composé des ministres des pays membres concernés par une question
  •  La Commission a un pouvoir de proposition puis exécute les décisions du Conseil
  • L’Assemblée européenne, à l’origine, a un pouvoir essentiellement consultatif
  • La Cour de Justice arbitre les litiges qui peuvent naître de l’application des traités
  • Autres organismes, spécialisés, dont le FEOGA (agriculture, voir infra) et la BEI (Banque Européenne d’Investissement)

 

La construction européenne est marquée dans son projet par une histoire meurtrière et guerrière (2 guerres mondiales et la guerre froide).

Elle est aussi marquée dans sa réalisation par une contradiction entre élargissement, guidé par des logiques géopolitiques, et approfondissement, guidé par des logiques économiques et marqué par un déficit démocratique.

On voit aussi que la CEE ou l’UE ne sont pas l’Europe : Europe de l’Ouest, de l’Est, Europe balkanique, etc.

 

On se centrera ici sur les aspects plus économiques du projet mais on ne peut pas délaisser les autres aspects du sujet.

 

 

Nous suivrons un plan chronologique en étudiant tout d’abord la construction européenne depuis sa création jusqu’au début des années 1980 où avec la crise on parle d’Europe en panne, d’euro-schlérose ou encore d’Europe au milieu du gué.

Nous poursuivrons ensuite à partir de la relance de la construction avec l’Acte Unique de 1986 visant à l’achèvement du marché commun de 1957 et avec la constitution d’une Union économique et monétaire

Nous terminerons en faisant un bilan de l’avancement de la construction européenne aujourd’hui.

 

1. Du Traité de Rome (1957) au début des années 1980 : de la création à l’enlisement du projet européen

A. La constitution d’un bloc commercial régional

La CEE prévoit la constitution d’un marché commun à 6. Notons déjà qu’en 1973, trois nouveaux pays adhèrent à la CEE : la Grande-Bretagne, l’Irlande, le Danemark.

1) La CEE se constitue progressivement en union douanière, étape intermédiaire avant le marché commun

a) La mise en place par étapes au cours des années 1960

Les six constituent à la création une zone de libre-échange.

Définition : une zone de libre-échange est un espace où les produits circulent librement).

Dans cette zone de libre-échange à 6, les biens circulent de plus en plus librement entre les pays membres par suppression des restrictions tarifaires (droits de douane) et non tarifaires (contingentements [quotas d’importations] concernant les biens (les marchandises) (la libéralisation des échanges de services n’interviendra que plus tard ).

En 1968, ils adoptent un tarif extérieur commun (TEC) vis-à-vis des pays tiers (c’est-à-dire des pays non membres). Ce TEC est fixé dès le départ à un niveau assez bas : la CEE entend participer activement au mouvement général de libération progressive des échanges prévue au niveau mondial par les accords du GATT dont les six pays membres de la CEE sont signataires (cf. cours 2011 – 2012).

Ils constituent alors une union douanière limitée aux biens (hors les services).

Définition : une union douanière est une zone de libre –échange augmentée d’un TEC.

b) L’implication : un abandon de souveraineté

En signant le traité de Rome, chaque pays membre a décidé de réduire puis de faire disparaître son pouvoir de décision individuel en matière de politique commerciale. Il est volontairement limité par le dispositif commun auquel il adhère, vis-à-vis des autres pays membres (zone de libre-échange) et vis-à-vis des pays tiers (TEC).