C. La zone euro n’est pas une zone monétaire optimale


1) Le concept de zone monétaire optimale


a) Une zone monétaire

Une zone monétaire est constituée par un pays ou un ensemble de pays utilisant soit plusieurs monnaies mais entre lesquelles existent des liens de fixité de change forts soit une monnaie unique (forme la plus aboutie de zone monétaire).


1/ 1er cas : différentes monnaies liées entre elles par des taux de change fixes


  • Exemple 1 : les pays du Zollverein (union douanière créée par les États allemands en 1834) adoptent en 1857 le thaler prussien comme monnaie commune. Chaque monnaie des différents États entretient avec elle un rapport fixe.
  • Exemple 2 : la zone sterling, constituée après les accords d’Ottawa (1932) (pays du Commonwealth)
  • Exemple 3 : les pays membres du SME (1979) adoptent une monnaie commune, l’ECU ; les différentes monnaies sont fixes entre elles (bande de fluctuation et accord des autres pour dévaluer).
  • Exemple 4 : la zone euro, pendant la période transitoire (1999, 2000 et 2001) est constituée de onze pays du SME qui adoptent des parités irrévocables entre leurs différentes monnaies qui, durant cette période, circulent encore. En fait, en renonçant définitivement à la dévaluation de leurs monnaies les unes par rapport aux autres, ces pays sont déjà passés au degré supérieur d’unification monétaire : une monnaie unique.
  • La zone CFA
     
  • A la différence des cas précédents et des cas suivants, où la zone monétaire résulte d’un accord officiel entre plusieurs pays, une zone monétaire de fait peut résulter de la décision d’un pays de relier sa monnaie nationale par un taux de change fixe à une monnaie de référence  (ex : baht thaïlandais, peso argentin / $)


2/ 2e cas :  une monnaie unique

  • Exemple 1 : un pays « unitaire » comme la France, au fur et à mesure qu’il s’est unifié politiquement, est devenu une zone monétaire.

Au Moyen âge, les grands seigneurs « battaient monnaie ». (L’emploi des verbes « battre » ou « frapper » vient du fait que l’on fabriquait les pièces en les frappant avec des coins sur lesquels se trouvait le modèle à reproduire). Ce pouvoir seigneurial constituait le privilège du « seigneuriage ». Par exemple, à Pau, on peut voir au pied du château, la Tour de la Monnaie, où les vicomtes de Béarn faisaient frapper leurs pièces.
Au fur et à mesure que le roi de France a imposé son pouvoir aux grands seigneurs  (Moyen-Age => XVIIe siècle), il s’est réservé le droit de battre monnaie : c’est devenu un privilège régalien (= royal) . Le « denier à l’écu » ou « écu » (pièce d’un denier représentant l’écu [= le bouclier] des rois de France avec ses fleurs de lys) s’est imposé à tout le royaume. (La référence à cette monnaie prestigieuse est l’une des raisons de l’adoption du sigle « ECU » pour le  premier embryon de monnaie européenne. Abandonné ensuite).


  • Exemple 2 : un pays « fédéral » comme les États-unis

En 1776, les treize colonies anglaises d’Amérique du Nord se révoltent contre la métropole (Déclaration d’Indépendance). Leur indépendance est reconnue par le traité de Paris de 1783. Ces États déjà unis politiquement contre l’Angleterre et constitués en État fédéral, décident rapidement de s’unir économiquement c’est-à-dire d’abolir entre eux les frontières douanières et, en 1787, d’adopter une monnaie unique, le dollar. Pour faire référence au vocabulaire actuel, on peut dire que ces États, qui constituaient déjà une  union politique, l’ont prolongée en une Union Economique et Monétaire.
C’est une solution que n’ont pas su ou n’ont pas voulu adopter les colonies espagnoles d’Amérique Centrale et du Sud, lorsqu’elles ont acquis leur indépendance politique au début du XIXe siècle.


  • Exemple 3 : autre exemple de pays « fédéral », l’Allemagne

Jusqu’en 1871, l’Allemagne n’est pas un pays ; ce n’est qu’une juxtaposition d’États indépendants (royaumes de Bavière, de Prusse, Palatinat, Wurtemberg, …).
L’unification politique est proclamée en 1871, à la suite de la victoire sur la France, qui s’était toujours opposée à l’unité de l’Allemagne. L’Empire germanique est reconstitué (le IIe reich) : le roi de Prusse est proclamé empereur ; une monnaie unique (le reichmark) se substitue aux différentes monnaies des divers Etats (qui, eux, sont maintenus. Ce sont les futurs lander de la République fédérale d’Allemagne).


  • Exemple 4 : une union régionale : la zone euro après la période transitoire (après juin 2002)

Après le lancement de l’euro (1er janvier 1999), la mise en circulation des billets et pièces en euro et le retrait complet des différentes monnaies nationales ont marqué la substitution effective de la monnaie unique aux différentes monnaies nationales des onze pays qui l’ont adoptée


b) La question de son optimalité


1/ Le problème de départ

A partir du moment où plusieurs pays constituent une zone monétaire avec une monnaie, il n’y a plus qu’une seule banque centrale. Donc, si un des pays membres de la zone subit un choc exogène, il n’a plus la possibilité, pour agir sur sa conjoncture, d’utiliser individuellement la politique monétaire :

  •  interne (ex : politique monétaire)
  • externe (manipulation du taux de change : exemple, dévaluer sa monnaie)


Il faut distinguer deux types de chocs aux conséquences fort différentes pour notre problème :

  • Un choc symétrique concerne tous les pays de la zone. La réponse peut donc être commune, en utilisant l'instrument monétaire et/ou budgétaire.
  • En cas de choc asymétrique, qui ne concerne qu’une partie des pays de la zone, l’instrument du taux de change n’est pas disponible par nature (Union monétaire). Les économies doivent donc rechercher d’autres variables d’ajustement qui ne concernent qu'un pays, l’instrument du taux de change n’étant plus disponible. La politique monétaire si elle est unique (UEM) ne peut répondre à la variété des conjonctures.


Participer à une zone monétaire revient à renoncer à utiliser l’instrument du taux de change :

  • soit parce que les règles de la zone en limitent l’usage (cas du SME : parités ajustables mais avec accord des autres membres)
  • soit parce qu’elles l’interdisent strictement (zone euro : 01/01/1999 : parités irrévocables)
  • soit parce que c’est impossible dans la mesure où il n’y a plus qu’une seule monnaie :
    • C’est le cas des Etats-Unis
    • C’est le cas de la zone euro depuis que les monnaies nationales ont disparu. C’est sur ce dernier cas de figure que l’on va raisonner dans ce qui suit.