Bilan


La CEE à la fin des années 70, quelle intégration économique ?

 

Reprenons successivement les différents degrés d’intégration régionale et examinons dans quelle mesure ils s’appliquent à la CEE à cette époque (fin des années 1950, années 1960, années 1970).

 

A la fin des années 70, la CEE :

 

  • Est une zone de libre-échange pour les biens avec quelques restrictions (contrôles techniques aux frontières, normes techniques ou de sécurité différentes selon les pays, marchés publics [achats des administrations publiques] réservés aux fournisseurs nationaux…) mais pas pour les services qui sont écartés
  •  Est une union douanière du fait de l’adoption d’un TEC à l’intérieur duquel joue le mécanisme de la préférence communautaire (discrimination en faveur des pays membres mais avec les restrictions présentées pour la ZLE)
  • N’est pas le marché commun que voulait construire le traité de Rome de 1957 : capitaux (autorisation pour les IDE, contrôle des changes)et hommes (avoir la nationalité du pays pour exercer certains métiers, non-reconnaissance mutuelle des diplômes), … sont loin de circuler librement.
  •  Ce n’est donc pas une union économique bien qu’il y ait une politique commune, la PAC mais c’est insuffisant.

 

 Et, du point de  vue monétaire, qu'a-t-on appris  ?

La question monétaire non prévue initialement s’est invitée très rapidement face au succès fulgurant de l’intégration européenne. Le besoin de développer  la coopération monétaire s’est vite fait ressentir même si la réalisation a été stoppée du fait de l’éclatement du système monétaire international en 1971.

  • On apprend donc qu’un espace de plus en plus intégré économiquement a intérêt à mettre en place  une coopération monétaire pour éviter les distorsions de concurrence issues de la manipulation des taux de change à des fins discriminatoires.
  • L’histoire nous apprend également que l’intégration monétaire a jusqu’à présent été seconde par rapport au politique : jusqu’où peut-on coopérer monétairement sans plus d’intégration politique ?

La coopération monétaire accrue va être mise sur les rails au cours de la période suivante avec le fonctionnement d’une instance de coopération monétaire, le SME.

 

B. L’Europe des années 1980 et 1990 : de l’eurosclérose à l’UEM

La poursuite de la construction européenne, comme dans les périodes précédentes, se fait dans deux grandes directions : élargissement et approfondissement.

L’élargissement
De nouveaux Etats-membres sont admis dans les années 1980 et 1990. Après l’Europe des Six (membres fondateurs, 1957, traité de Rome : Allemagne, France, Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg) et l’Europe des Neuf (1973 : Danemark, Grande-Bretagne, Irlande), c’est L’Europe des Dix (1981 : Grèce) puis l’Europe des Douze (1986 : Espagne et Portugal) et enfin l’Europe des Quinze (1994 : Autriche, Finlande, Suède).

L’approfondissement    (thème essentiel de ce chapitre)
Dans les années 1980 et 1990, comme dans les périodes précédentes, des mesures sont prises pour conduire à une intégration plus forte des économies des pays membres.
Deux grandes séries de mesures :

  • L’unification du marché : il s’agit de faire en sorte que l’ensemble des pays membres constitue un véritable marché unifié, sans aucune entrave à la circulation des produits (biens et services) et des facteurs de production (les hommes et les capitaux). D’où une série de mesures importantes (le « Grand marché » de 1993).
  • L’unification monétaire : un marché véritablement unifié ne peut bien fonctionner si plusieurs monnaies sont utilisées. Il faut une coopération monétaire accrue (une monnaie unique ?). Les pays membres arrivent progressivement à la mettre en place : en 1999, l’euro devient la monnaie unique de 11 pays sur les 15 membres (« zone euro »).


Remarque : Après la signature du traité de Maastricht, étant donné que ce traité n’est pas un simple traité de portée économique (amorce d’une politique commune de défense, d’une citoyenneté européenne,…), la construction européenne change de nom : de simple communauté économique (CEE), elle devient union (terme beaucoup plus large) : l’Union européenne.
Le problème, c’est que, en français, le nom union n’a pas d’adjectif qualificatif  correspondant (unioniste ne veut pas dire qui concerne une union mais qui est partisan d’une union, ce qui est différent). On continue donc d’employer l’adjectif communautaire, ce qui n’est qu’un pis-aller puisque l’union est plus qu’une simple communauté.


1) L’unification du marché : le « grand marché » (1993)

 

 

a) Le problème : au début des années 1980, le marché commun, projet de 1957, est très incomplètement réalisé, ce qui rend la situation sous-optimale. L’intégration est en panne.

Au début des années 1980, l’Europe est « en panne ». Le projet de 1957 de créer un marché commun est en partie réalisé, en partie inachevé : l’Europe est « au milieu du gué ».

 

1/ Constatation : il existe encore des obstacles  à la libre circulation

 

a/ Obstacles à la libre circulation des produits (aspect  ZLE)

Les biens : le libre échange des biens n’est pas complet
Dans le principe, le traité de Rome (1957) pose le principe de la libre circulation complète des marchandises. Effectivement, les barrières douanières ont complètement disparu avec la suppression des contingentements dès 1960 et la réduction progressive des droits de douane, totalement éliminés en 1968 avec l’adoption d’un tarif extérieur commun (TEC).

Pourtant, la libre circulation n’est pas complète, il reste des obstacles : des obstacles techniques et douaniers (normes technique nationales => adaptation de la poduction aux multiples législations), frontières entre pays membres entaînant le maintien de formalités administratives qui peuvent être assez longues -vérifications, contrôles sanitaires,…-, entraves à la concurrence en matière de marchés publics

 

Les services (non financiers) : le libre échange complet des services est encore très partiel.
Dans le principe, le libre échange tel qu’il a été entendu en 1957 devait concerner tous les produits mais la mise en œuvre a concerné surtout les marchandises.
De nombreux obstacles au libre-échange des services subsistent :

  • certains obstacles sont naturels donc ne posent pas de problème en regard du principe de libre-échange  (ex : services de proximité ne se prêtant pas à des échanges à distance, fournis par des PME, (coiffure, dépannage domestique, …).
  • D’autres, au contraire, sont facilement échangeables mais font encore l’objet d’une réglementation très protectionniste qui réserve le marché national à des entreprises du pays. Dans de nombreux domaines liés aux services, les entreprises d’autres pays membres n’ont pas le droit de s’établir dans le pays (filiale) pour y fournir des services sur place (ce qui relève à la fois de l’exportation de produits et de la libre circulation des capitaux et des hommes. Exemples : transport aérien, ferroviaire, télécommunications, télévision, distribution du gaz, de l’électricité, services aux particuliers (ex : médecine). Il y a des conditions de nationalité à remplir. Or ces services représentent un volume d’activité très important et sont appelés à se développer (loi d’Engel : biens « supérieurs » et services ; « tertiarisation » des économies contemporaines).

b/ Obstacles à la libre circulation des facteurs (aspect marché commun)

Le travail : la « libre circulation des Hommes » est très incomplète
En principe, les Hommes doivent pouvoir circuler librement, ce qui signifie qu’il doit être possible de s’établir librement dans n’importe quel autre pays membre pour y travailler (libre circulation du facteur travail). C’est la règle : les réglementations nationales concernant les restrictions à l’immigration, prises en général, à la suite des difficultés du début des années 1970 (France : 1974 : arrêt de principe de l’immigration) ne concernent pas les ressortissants des autres pays membres de l’Union mais les ressortissants des pays tiers.

L’obstacle de la nationalité reste tout de même important : dans beaucoup de pays, il faut avoir la nationalité du pays pour exercer certaines professions, assez nombreuses. Les diplômes exigés sont des diplômes nationaux.


Le capital : la « libre circulation des capitaux » est incomplète
Le principe, ici encore, est la libre circulation complète des capitaux (pris au sens de capitaux non monétaires et de services financiers) entre pays membres. Des mesures ont déjà été prises pour la mettre progressivement en place (exemple : directive communautaire de 1977 instaurant la liberté d’établissement d’une banque ou d’une compagnie d’assurances d’un pays membre dans n’importe quel autre pays membre).

Cependant, les obstacles, ici aussi, restent nombreux :

  • Des obstacles spécifiques : exemple : en matière d’IDE, des réglementations subsistent qui soumettent les IDE (entrants) à autorisation (volonté de sauvegarder l’indépendance économique nationale)
    De manière plus générale, en ce qui concerne les mesures de libéralisation déjà décidées au niveau européen (« directives » adoptées par le conseil européen) : dans ce domaine comme dans de nombreux autres, les différents pays ne transposent les directives européennes dans leur législation nationale qu’avec des délais assez longs, involontairement (complexité) ou parfois volontairement (protectionnisme déguisé).