Une législation défavorable aux ouvriers des fabriques naissantes se met en place.

  • Livret ouvrier
  • En matière de contestation des salaires, la première rédaction du Code Civil de Bonaparte stipule qu’un tribunal doit croire un employeur sur sa seule parole alors qu’un salarié doit faire la preuve de ses allégations (Il faudra attendre 1868 pour obtenir l’égalité de traitement par le droit).
  • Le Code Pénal (1803 puis 1810) traite avec indulgence les coalitions patronales alors qu’il prévoit de lourdes peines pour les coalitions ouvrières.
  • Le travail est une marchandise comme une autre : le contrat de travail n’est qu’un simple contrat de louage de service. On lui applique l’organisation économique libérale.
  • Liberté complète du contenu : sous réserve d’une interdiction d’engagement à vie pour empêcher le retour du servage, il n’y a aucune disposition législative qui crée un cadre en matière de durée du travail, de rémunération, etc. Bref, le droit du travail est à l’époque inexistant.
  • Individualisme des rapports : c’est individuellement que l’employeur et le salarié négocient le contenu du contrat. Il n’y a aucune intervention d’organisation professionnelle (patronale ou salariale) ou publique. Les deux parties contractantes sont à égalité dans la négociation.


C’est un mouvement d’individualisation des relations du travail qui a lieu : contrat de 1 à 1. Pouvoir contracter librement entre égaux est un progrès. Mais, d’une part, l’égalité est formelle plus que réelle. Et aucune institution ne garantit le contrat : le droit, quasi inexistant, n’est pas protecteur et le lien social redevient féodal.***

Les collectifs de travail sont interdits et réprimés, surtout les collectifs ouvriers. Côté employeurs, c’est la tolérance (déjà dénoncée par A. Smith à la fin du XVIII° siècle), même si la G-B tolère les syndicats en 1825 (mais pas le droit de grève)

 

1) Dans ce contexte, on peut distinguer quatre écoles d’économie sociale à la suite de J. Claudio, conférence à l’université de Genève en 1890 (Présentation adaptée du texte publié dans L'Encyclopédie Universalis)

 

a) L’école collectiviste (ou école de l’égalité)

L'école collectiviste, également nommée école de l'égalité, est très largement inspirée par la pensée de Thomas More (Utopia, 1516 : propriété collective et absence d’échange marchand) et dérivée du socialisme associationniste qui vise à améliorer les conditions de travail et d'existence des travailleurs en faisant d'eux les copropriétaires de l'appareil productif. Les auteurs les plus importants de cette école, qui valorise la figure du travailleur ou du producteur, sont probablement ceux que Marx et Engels ont ensuite qualifiés de « socialistes utopiques » : (le marxisme n’est pas le courant socialiste le plus important à l ‘époque même si c’est celui qui a le plus traversé le temps) :.

  • Saint-Simon (fin XVIII, début XIX°) défend, en opposition au libéralisme, un modèle industriel ayant pour objet essentiel de procurer le plus possible de bien-être à la classe laborieuse et productrice.
  • Fourier (1808) élabore avec le phalanstère un milieu idéal dans lequel la répartition des biens s'opère selon le travail, le capital et le talent.
  • Inspiré par les idées de Fourier, Godin crée à Guise le familistère, palais social qui vise à procurer aux salariés des conditions de vie confortables dans un esprit communautaire et sur le principe de la participation des meilleurs ouvriers à la gouvernance et au capital de l’entreprise.
  • Quant à Buchez, il demeure connu comme un pionnier, dès 1834, de la coopération de travailleurs et comme un pourfendeur de la concurrence et de l'entrepreneur qu'il qualifie de « parasite ».

 

b) L’école de Le Play (ou école de la charité)

Plus que sur la volonté d'émancipation des travailleurs, la deuxième tradition s'appuie sur les valeurs liées à la charité chrétienne et, plus largement, au christianisme social, qui insistent sur l’obligation de solidarité des nantis envers les plus défavorisés, et préconise davantage le patronage que l'association ouvrière ou la communauté. Elle valorise la figure du patron éclairé dont l’autorité est légitimée par un comportement exemplaire. Les figures les plus importantes de cette tradition sont sûrement Frédéric Le Play, qui défend le patronage contre le libéralisme générateur à ses yeux d'inégalités sociales, et qui, surtout, introduit l'économie sociale à l'Exposition universelle de 1867 après avoir fondé une Société d'économie sociale, en 1856, et Friedrich Wilhelm Raiffeisen, qui crée en Allemagne l'Association pour le pain, destinée à lutter contre la famine, puis jette les bases du crédit mutuel en constituant une banque pour permettre à la classe paysanne d'échapper aux taux usuraires qui entraînent sa prolétarisation croissante.
Le christianisme social de la fin du XIX° siècle est une référence importante (cf. Encyclique Rerum novarum (1891) de Leon XIII  qui fonde la doctrine sociale de l’Église catholique : écrite face à la montée de la Question sociale, condamne « la misère et la pauvreté qui pèsent injustement sur la majeure partie de la classe ouvrière » tout autant que le « socialisme athée ». Elle dénonce également les excès du capitalisme et encourage de ce fait le syndicalisme chrétien et le christianisme social.
Cela fonde le paternalisme du patronat.


c) L’école de la liberté

La troisième école, à travers son inspiration libérale, valorise la figure de l’entrepreneur. Elle défend la liberté individuelle comme socle de la justice sociale et voit dans l'association des travailleurs « un moyen de rationaliser le système économique, d'augmenter la productivité et, en matière sociale, d'associer tous les travailleurs aux résultats de l'entreprise ». Le maître-mot de cette école est la valorisation de la charité, ou solidarité volontaire,par opposition à une charité légale ou forcée. C’est la longue question de la charité versus les droits sociaux.
Un de ses représentants les plus emblématiques est sans conteste Frédéric Bastiat, qui introduit en 1848 le concept « d'association progressive et volontaire » et se fait le défenseur des caisses de secours mutuel comme substitut à la mise en place de dispositifs publics obligatoires. C'est une toute autre déclinaison que donne Pierre Proudhon à cette notion de liberté en en faisant le socle de ce qu'il appelle le mutuellisme, « contrat social par excellence », où il tente de rassembler ces deux inconciliables que sont l’autorité et la liberté tout en réfutant à l'État une quelconque légitimité à incarner la première. Le mutuellisme de Proudhon est une forme d'organisation dans laquelle chacun apporte librement son travail et retire de l'échange sa juste part, supérieure à celle qu'il aurait eue en travaillant seul.