Remarque : à partir de la moitié du XIX° siècle, la relation fiscale se pacifie ; les révoltes diminuent nettement.

 

Le paiement de l’impôt est un rituel administratif : le paiement de l'impôt se fait au cours d'une relation de face-à-face : c'est l'une des rares occasions qu'ont les citoyens de « rencontrer » l'État, incarné dans la personne de ses agents chargés du recouvrement de l'impôt, les percepteurs. Après que les contribuables aient dus se rendre chez le percepteur régulièrement pour s’acquitter des impôts, ce sont eux qui se déplacent dans les communes, augmentant les coûts de la collecte.

 

3) C’est une fiscalité qualifiée de « bourgeoise »

 

a) Les contributions indirectes ont un poids croissant au détriment des catégories populaires

Cette révolution fiscale se révèle incapable de subvenir aux besoins financiers Les gouvernements en place et les autorités cherchent de nouvelles ressources, quitte à heurter les principes affichés au moment de la Révolution française avec le rétablissement des contributions indirectes. Elles jouent un rôle central tout au long du XIX° siècle.

 

Le poids des contributions indirectes n'a cessé de croître au cours du siècle, tandis que celui des contributions directes stagnait, voire déclinait. À la fin du XIXe siècle, les impôts sur la consommation fournissent plus de la moitié des recettes fiscales et, dans les années 1880, l'impôt sur les boissons apporte à lui seul près d'un cinquième des recettes. À l'inverse, la part des « quatre vieilles » dans les recettes ordinaires de l'État est passée de 26 % en 1828 à 10 % à la veille de 1914. Frappant les produits de « première nécessité », les taxes sur la consommation représentent un sacrifice plus lourd pour les pauvres que pour les riches.

 

b) L’impôt est un impôt de distinction servant à reconnaître les notables

Le système fiscal issu de la Révolution française n'avait pas pour but de redistribuer les richesses. Tout au long du XIXe siècle, sauf chez les républicains les plus à gauche, domine l'idée selon laquelle l'impôt est seulement le prix à payer pour la sécurité et la protection de la propriété. L'impôt direct, stable et limité, n'a pas vocation à modifier la structure économique et sociale.

 

Jusqu'en 1848, il reste étroitement associé au droit de suffrage : l'impôt direct est un impôt de distinction, qui permet de reconnaître les notables et de justifier leur emprise sur les affaires publiques. La théorie contributive de l'impôt va de pair avec une conception de la citoyenneté fondée sur la propriété. C’est la période du suffrage censitaire de la révolution française à 1848.

 

Remarque :

 Sous Louis XVIII (1814-1824, - les 100 jours)

  • Sont électeurs les hommes de plus de 30 as payant un cens de 300F d’impôts directs ; cela représente 100.000 personnes (99% des hommes sont exclus)
  •  Sont éligibles les hommes de plus de 40 ans payant un cens de 1000F au moins ; cela représente 14.000 personnes (sur 30 millions de personnes dans la population française).

Pays réel et pays légal n’ont aucune correspondance.

 

La monarchie de Juillet (1830) abaisse le cens et double le pays légal !

Le suffrage censitaire est supprimé en 1848 avec l’avènement de la II° république.

Le suffrage reste masculin jusqu’en 1945.

 

C. Fin XIX° -début XX° : les batailles de l'impôt sur le revenu, d’âpres discussions

L’acceptation de l'impôt est-elle irréversible ? La disparition des grandes révoltes antifiscales au cours de la seconde moitié du XIXe siècle pourrait le laisser penser. Pourtant, au début du XXe siècle, des signes de fragilité et de tension apparaissent dans la relation fiscale entre l'État et les citoyens. Le système des « quatre vieilles » ne suscite certes plus de contestations, mais il semble incapable de pourvoir au financement des nouveaux besoins de l'État, qu'ils soient militaires ou sociaux.

 

La recherche d'une fiscalité plus juste et plus efficace, qui passe dans de nombreux pays par l'adoption d'un impôt sur le revenu établi par voie de déclaration, est au centre des affrontements politiques. C'est plus largement la question des rapports entre l'État et les citoyens qui est posée à travers le mouvement de réformes du premier tiers du XXe siècle.

 

1) En Grande-Bretagne : les pionniers

C'est en Grande-Bretagne que, pour la première fois, en 1792-1801 et 1803-1815, pour financer les guerres contre la France, on a taxé globalement les revenus de chaque individu et ceci davantage s'ils étaient élevés (impôt progressif) : l’Income Tax.

 

A partir de cette date, les Premiers ministres et les chanceliers de l'Échiquier successifs, tories ou libéraux, ont tenté de le supprimer, mais chaque année, de nouvelles raisons ont surgi pour le maintenir.

 

Le problème est clairement posé :

« Il n'est pas en soi injuste que la contribution proportionnelle du riche soit plus forte que celle du pauvre. Seulement la difficulté est de ne pas aller trop loin dans cette voie. Il est clair que la progression, si on en exagère le taux, aboutira à une véritable confiscation » Gladstone, 1869.

 

Lloyd George en 1910 accentue la progressivité des revenus non sans susciter de violentes réactions.

 

2) Extension

Ce type d'impôt a servi de modèle au XIX° siècle : il a été successivement adopté par la Suède (1861), le Japon (1867), l'Italie (1890), l'Allemagne (1891), les Pays-Bas (1892) et l' Autriche- Hongrie (1896).

 

a) Aux Etats-Unis

 Aux États-Unis, dans certains États et surtout pendant la guerre de Sécession, on utilise momentanément l'impôt sur les revenus. Il est, à plusieurs reprises, rétabli et supprimé; en 1913, l'impôt fédéral sur le revenu est rétabli.

 

b)  En France

En France, également le combat fut long avant d'aboutir à ce que le budget soit alimenté par l'impôt sur le revenu. En 1871, à l'Assemblée nationale, un long débat eut lieu. L'Assemblée suit les jugements traditionnels contre les réformateurs ; l'impôt sur le revenu est écarté. 200 propositions ou projets de lois sont abandonnés ou rejetés.

 

La première réforme fiscale significative aboutit en 1901 avec l'introduction de tarifs progressifs dans les droits de succession, impôt sur le patrimoine.

 

C’est finalement Joseph Caillaux, ministre des Finances, qui livrera bataille non sans mal pour finalement faire adopter l’impôt sur le revenu en 1914 à quelques jours du déclenchement de la guerre.

 

Partout l'impôt sur le revenu a été conçu comme un impôt moins injuste que les impôts « réels» et de répartition ; comme tous les impôts, il a une signification économique et sociale.

 

3) La mise en œuvre du nouvel l’impôt

La Première Guerre mondiale modifie les conditions idéologiques, sociales et administratives du rapport à l'impôt. Les sacrifices consentis au front par les « poilus » justifient la mise en place de mesures de compensation destinées à faire participer les plus riches, restés à l'abri des combats, à la cause patriotique. Après deux années d'attentisme sur le plan financier, c'est en 1916 que le Parlement décrète la mobilisation fiscale, de peur que les soldats ne se découragent face au sort clément réservé aux « embusqués ». La dénonciation des « profiteurs de guerre » conduit à l'adoption d'une contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre, votée le 1er juillet 1916. Cette contribution, dont l'application, extrêmement délicate, se poursuit jusque dans les années 1930, vise à imposer des taux progressifs aux entreprises qui ont dégagé des bénéfices du fait d'activités ou de marchés exceptionnels liés au contexte de guerre. Décidée dans l'urgence, cette mesure est radicalement nouvelle dans son principe puisqu'elle suppose que les entreprises déclarent leurs bénéfices à l'administration fiscale, jusque-là peu habituée à vérifier les comptabilités de ces dernières.

 

Mais c'est surtout avec la première application de l'impôt global sur le revenu en 1916 et la création des impôts proportionnels* par catégories de revenus en 1917 que la France bascule dans un nouveau système fiscal. L'impôt sur le revenu est perçu pour la première fois en mars 1916, sur les revenus de 1915. La déclaration est encore facultative lors de cette première application, mais devient obligatoire dès l'année suivante. Les contribuables imposables doivent déclarer l'ensemble de leurs revenus.

 

NB : Le texte est pour partie une réécriture sur la base de L'Histoire sociale de l'impôt de N . Delalande, La Découverte