E. Au regard du passé, un rapport à l’impôt plus apaisé ?

 

1) Une administration fiscale au service du contribuable

 Depuis les années 70, les pratiques de l'administration fiscale ont beaucoup évolué. Le contribuable semble être passé du statut d'assujetti à celui d'usager, voire de client.

 

a) On passe d’un contrôle unilatéral à une vérification plus négociée

La première partie des années 70 est un moment d'intensification des contrôles fiscaux, mais c'est aussi une période où les pouvoirs publics entendent promouvoir les droits des usagers. Réponse possible au mouvement de contestation de l'impôt lancé par Gérard Nicoud, l'enjeu est alors de faire du contribuable un interlocuteur à part entière plutôt que le suspect systématique.

 

En 1974, c'est la création des centres de gestions agréées destinés à alléger les formalités fiscales des commerçants et artisans et à rapprocher leur régime d'imposition de celui des salariés. En contrepartie de leur adhésion à un centre de gestion, artisans et commerçants bénéficient d'un abattement réduisant leur d'impôt ; chaque centre se voit affecté un agent des impôts chargé non pas de sanctionner mais de dire le droit et de délivrer des conseils qui engagent l'administration. On passe ainsi d'un contrôle répressif a posteriori à une assistance technique a priori.

La mesure est étendue aux professions libérales.

 

En 1975, l'administration fiscale instaure également une « charte du contribuable vérifié » dans laquelle sont consignées les garanties de procédure auxquelles ont droit les contribuables visés par un contrôle fiscal.

 

À la fin des années 80, on voit l'extension des cas dont la charge de la preuve revient à l'administration. Les pénalités appliquées aux contribuables de mauvaise foi sont plafonnées et ne s'appliquent qu'aux récidivistes et récalcitrants.

 

b) La montée en puissance de la logique de conciliation

À la fin des années 90, s'inspirant d'expériences menées dans d'autres pays européens, l'inspection générale des finances importe une approche centrée sur la notion de « civisme fiscal » : il s'agit d'améliorer le service rendu aux contribuables de façon à encourager le paiement volontaire de l'impôt et à limiter les procédures contraignantes aux cas de fraude avérée. Dans les instructions aux services fiscaux, la direction générale des impôts incite les agents à privilégier le dialogue avec les contribuables, à tenir compte de l'environnement des entreprises et de les orienter éventuellement vers la conclusion de transaction.

 

Il est également demandé de développer la procédure du « rescrit », consistant à donner au contribuable la possibilité de soumettre à l'administration un certain type de situation pour qu’elle se prononce sur sa conformité à la réglementation fiscale. Les positions de l'administration fiscale en réponse aux interrogations des usagers contribuent à fixer une doctrine dont peuvent se prévaloir ces derniers en cas de litige ultérieur.

 

 Au début des années 2000, des dispositifs sont mis en place.

  • Pour les particuliers c'est « la relance amiable » : en cas de discordance entre les revenus déclarés et les informations dont dispose l'administration, il est proposé aux contribuables de corriger lui-même sa déclaration, sans aucune sanction ni intérêt de retard sauf si l'écart constaté laisse à penser que le manquement est délibéré.
  • Pour les entreprises, les transactions sont encouragées ; conciliateur et médiateur se développent dans le but de renforcer la sécurité juridique des entreprises

 

Ainsi, les missions des agents des impôts évoluent. Depuis la fin des années 1950, le contrôle fiscal était progressivement devenu le coeur de leur identité professionnelle. Mais, à partir de la fin des années 1990, l'agent ne doit plus être seulement contrôleur : il est aussi censé assister, aider, voire conseiller le contribuable. La logique de contrôle n'a pas disparu mais elle se combine avec une logique de conciliation.

 

 C'est également tout le vocabulaire de l'administration fiscale qui connaît des évolutions. Ce vocabulaire a longtemps reflété et reflète parfois encore l'unilatéralisme du pouvoir de l’administration fiscale fiscale : l'administration parle de redevable ou encore d'assujetti, à qui adresser des avertissements et des sommations. La « fraude » tend à être remplacée par le « comportement défaillant, la « notification de redressement » par une « proposition de rectification ». On perçoit bien que ces changements pourraient simplement relever d'un changement de façade, de la même façon que l'agent de ménage est devenu un technicien de surface. La lecture des courriers et des imprimés actuels montre qu'il reste un long chemin à parcourir dans l'évolution des relations entre l'administration fiscale et les citoyens.