Durant l’Entre-deux-guerres, peu de réformes mais la mise en place et l’adaptation du nouvel impôt.

 

Le poids de l'impôt évolue sensiblement dans l'Entre-deux-guerres. Le taux marginal appliqué aux revenus les plus élevés, fixé en 1914 à seulement 2 %, est porté à 10 % dès 1917, puis 20 % en 1918, 50 % en 1920 et 72 % en 1924. Raymond Poincaré interrompt cette progression en 1926 et ramène le taux supérieur de l'impôt général à 30%

 

Les célibataires et les couples sans enfant doivent de plus supporter des majorations d'impôt, prévues par la loi du 25 juin 1920 (dans leur cas, le taux supérieur atteint même 90 % en 1924). Cela annonce la prise en compte des situations familiales dans l’impôt.

 

L'élévation de la fiscalité directe est aggravée par l'augmentation, tout aussi forte, des prélèvements indirects. Cela inspire un sentiment de désillusion aux contemporains, notamment aux ouvriers qui avaient cru que l'introduction de l'impôt sur le revenu permettrait de diminuer le poids des taxes indirectes

 

 

Les critiques à l'encontre du « maquis fiscal », qui se constitue à mesure que les parlementaires empilent de nouvelles dispositions pour apaiser les protestations, débouchent sur des appels à simplifier le système et à en faciliter l'organisation.

 

 

Les problèmes de la fraude et de l'évasion fiscale font leur apparition dans l'Entre-deux-guerres. Des pays comme la Suisse, qui s'appuient sur de faibles taux d'imposition et la pratique du secret bancaire, commencent à se spécialiser dans l'accueil des capitaux français, anglais ou belges, qui fuient les hauts niveaux d'imposition introduits à la faveur de la Première Guerre mondiale.

 

 

 

 

 

La création de l'impôt sur le revenu n'a pas été la « révolution » que certains craignaient ou appelaient de leurs vœux en ce qui concerne le rééquilibrage des rapports entre impôts directs et impôts indirects. Cependant, le nouveau système fiscal a mis fin à l'immunité fiscale dont avaient bénéficié jusque-là les hauts revenus et les gros patrimoines, tout en modifiant considérablement le cadre des relations entre l'administration et les contribuables. Les problèmes auxquels l'administration doit faire face pour légitimer l'impôt sur le revenu sont bien identifiés dès l'Entre-deux-guerres, sans qu'il soit encore possible d'y remédier : éviter la complexité des normes et des procédures, rationaliser l'organisation administrative, renforcer les contrôles tout en simplifiant la relation des citoyens à l'impôt. Ce sont ces principes qui sont discutés et mis en œuvre après la Seconde Guerre mondiale.

 

D. De la mi-XX° siècle aux années 1970 : la modernisation de l’administration fiscale

Passé la période vichyste qui s’est surtout occupé de répression dans les affaires économiques (contrôle des prix, contrôle du ravitaillement et lutte contre le marché noir), les Trente glorieuses sont une période de modernisation et d’extension de la fiscalité.

 

1) La rationalisation et la réorganisation de la politique fiscale

Après guerre, quelques impôts subsistent des périodes précédentes : outre les droits de succession, c’est l’impôt sur le revenu des personnes physiques et l’impôt sur les sociétés cré à cette occasion (héritier de l’impôt crée durant la 1° GM).

 

Tous les dossiers fiscaux d’une même personne sont réunis (« casier fiscal unique ») et le contrôle fiscal est unifié par là-même. La Direction générales des impôts est créée dans le même souci d’unification (fin progressive des trois catégories : directe, indirecte et enregistrements). La formation des agents des impôts est également unifiée.

 

Le contrôle fiscal est réorganisé dans le même sens (contrôle unique). Aux trois contrôleurs fonctionnant en équipe (survivance des trois types de contribution cités supra) se substituent progressivement les « polyvalents » (un seul contrôleur pour les trois domaines)

 

2) L’extension de l’impôt au quotidien

 

a) La généralisation de l’impôt sur le revenu

 L’impôt sur le revenu se généralise (Lors de la mise place en 1917, une minorité de ménages aisés taxée selon des barèmes progressifs. 3.8 millions de ménages en 1955, 15 millions à la fin des années 1970).

 

L’impôt unique sur le revenu voit son assiette élargie et sa progressivité réduite : les couches sociales de salariés deviennent assujetties à l’impôt au-delà des catégories aisées.

 

En France , le caractère familial de l’impôt implique le regroupement de personnes autour de la notion de foyer fiscal, foyer fiscal qui déclare ses revenus. Jusqu'à la fin des années 1950, l'administration n'adressait pas de feuille d'impôt aux contribuables qui devaient se la procurer par leurs propres moyens ; les personnels des administrations et des entreprises l'obtenaient par leur employeur et les autres devaient la retirer en mairie ou auprès de l'administration fiscale. En 1957, ils étaient encore 52 % à être dans ce cas et, parmi eux, 11 % disaient n'avoir pas déclaré de revenus faute d'être parvenus à obtenir leur feuille d'impôt (Le fisc peut alors « fixer d'office » le revenu ou le bénéfice imposable ; de même, lorsque le contribuable ne répond pas à une demande d'éclaircissement, l'administration peut rectifier d'office le bénéfice déclaré ; elle peut également imposer le contribuable d'après ses dépenses personnelles, ostensibles et notoires, ou en fonction des éléments de son train de vie. En 1959, une notice explicative est jointe aux imprimés de déclarations de revenus. C'est seulement depuis 1972 que l'administration adresse au domicile de chaque contribuable une feuille de déclaration de revenus en double exemplaire.

 

 

Le principe d'un impôt déclaratif s'accompagne d'un large pouvoir laissé à l'administration en matière de contrôle et de rectification. Lorsque le contribuable ne dépose aucune déclaration, l'agent peut « fixer d'office » le revenu ou le bénéfice imposable ; de même, lorsque le contribuable ne répond pas à une demande d'éclaircissement, l'administration peut rectifier d'office le bénéfice déclaré ; elle peut également imposer le contribuable d'après ses dépenses personnelles, ostensibles et notoires, ou en fonction des éléments de son train de vie. Mais le pouvoir de contrôle de l'administration s'est trouvé de plus en plus encadré, à mesure que progressaient les garanties accordées aux contribuables (voir chapitre IV). Initialement, elle pouvait remonter cinq ans en arrière pour prolonger le contrôle sur la déclaration. Sous la pression du mouvement poujadiste, ce délai a été ramené à quatre ans en 1957 puis à trois ans en 1987.

 

 

En même temps, l’augmentation du nombre de déclarations déposées par des ménages non imposables est conséquente. Ceci est lié au développement de l’État social qui verse des prestations sous conditions de revenus. L’avis d’imposition ou de non imposition devient l’unique moyen de prouver ses ressources et la bureaucratie fiscale se trouve au milieu de la vie quotidienne des ménages.

 

b) L’augmentation de la fiscalité locale

La fiscalité locale a peu évolué depuis la Révolution française. Les quatre vieilles sont maintenues pour leur part locale pour alimenter les budgets communaux et départementaux (la contribution mobilière est l’essentiel).

 

A la fin des années 1950, deux réformes sont engagées même si le caractère indiciaire est maintenu) :

  • Les anciennes contribution indirectes (quatre vieilles) sont progressivement remplacées par quatre taxes (la taxe foncière sur le bâti, la taxe foncière sur le non bâti, la taxe d’habitation et la taxe professionnelle)
  • La révision des valeurs locatives (loyer théorique qu’un propriétaire aurait pu retirer de son bien à la date choisie comme référence) entre 1970 et 1973. Il n’y avait rien eu depuis 1943. Il n’y a pas eu de réévaluation depuis 1973…

 

 NB : Le texte est pour partie une réécriture sur la base de L'Histoire sociale de l'impôt de N . Delalande, La Découverte