3) L’État entrepreneur et la politique industrielle

Dans un ouvrage récent («The Entrepreneurial State. Debunking Public vs. Private Sector Myths», Anthem Press, Londres, 2014., Trad française en 2020 l’État Entrepreneur), M. Mazzucato, professeure d’économie de l’innovation à l’Université du Sussex, montre à quel point le mythe de la Silicon Valley propage une vision faussée des rôles respectifs de l’État et des firmes privées dans le processus d’innovation. Le véritable entrepreneur qui prend des risques et explore des territoires technologiques inconnus a toujours été la puissance publique.

 

Il n’y a pas d’innovation radicale dans laquelle l’État n’ait pas joué un rôle moteur, non seulement comme financeur de la recherche fondamentale, mais également comme innovateur, créateur de marchés, voire des firmes qui allaient y opérer : Internet, biotechnologies, nanotechnologies, etc. Le capital-risque, supposé être l’ingrédient essentiel de tout système d’innovation dans le mythe de la Silicon Valley, n’intervient en général que 15 à 20 ans après que les investissements fondamentaux ont été engagés par l’État, lorsque les risques technologiques ont considérablement diminué et que les opportunités de profit ont augmenté en conséquence.

 

Quant aux firmes privées, elles bénéficient de tout ce que l’État a mis en place pour en tirer des profits eux aussi privés. Un exemple frappant est celui de l’iPhone d’Apple. On retrouve l’action (et le financement) de l’État dans toutes les avancées scientifiques et techniques qui rendent le smartphone «smart».

 

Les firmes privées qui exigent, et obtiennent, des baisses d’impôts et des dépenses publiques, contribuent d’ailleurs à mettre en danger la viabilité de ce système. En privant à terme l’État des moyens financiers de jouer son rôle d’innovateur radical, elles assèchent la source des découvertes à partir desquelles elles développent leurs propres produits nouveaux et donc leurs futures sources de profit. Fraude fiscale et paradis fiscaux sont à partir de là des phénomènes à combattre férocement.

 

Ainsi, seul l’État est en mesure de jouer ce rôle d’innovateur radical et de créateur de marchés. Cela nécessite une vision de long terme, une patience et des moyens que des firmes privées ne peuvent ou ne veulent pas posséder. Dans ce domaine, l’action publique est donc irremplaçable. A condition que l’action publique ne soit pas captée par des intérêts privés : d’où encore une fois l »importance de la qualité des institutions.

 

 Vidéo de 14 minutes de M. Mazzucato   *****

 

Cliquez sur l'image de la couverture de son ouvrage  : normalement la vidéo est directement sous-titrée en français.

 

4) Un État assureur

L’anticipation ou la crainte d’accidents économiques ou sociaux peut dissuader l’entreprise de se lancer dans un projet innovant (qui demande de la constance).

 

a) Assureur des chocs macroéconomiques par des politiques contracycliques

A la suite de la crise de 1929, à partir de la mi XX° siècle, les Etats développent des politiques macroéconomiques contracycliques d’inspiration keynésienne, budgétaires et monétaires.

 

  • En cas de crise, la mise en place d’un policy mix expansionniste vise à soutenir la demande
  • En situation d’expansion, les dispositifs de soutien sont supprimés.

 

Il s’agit de lisser la conjoncture de manière à créer un horizon d’anticipation le plus stabilisé possible pour les agents, les entrepreneurs innovateurs en particulier.

 

b) Assureur des chocs individuels par l’État-providence

L’Etat assureur assure également contre les risques de l’existence en lissant les fluctuations de son revenu face à la maladie, la perte d’emploi, etc.

 

Cela traduit par la mise en place de systèmes de protection sociale par l’Etat (Fin XIX° en Allemagne avec Bismarck, de façon très limite par des expériences dans les années 20 et de manière plus systématique (1935 aux EU : Social security act) ; ensuite sur les bases du rapport Beveridge (1942) (Sécurité sociale).

 

France RMI 1988,

 

Flexisécurité aux Pays-Bas (1997) puis au Danemark : de manière à rendre la destruction créatrice acceptable humainement tout en incitant les individus à l’activité.

 

Les débats sur le revenu universel et la rémunération de la formation.