B. Croissance par l’innovation et rôle de l’État

La promotion de l’«économie de la connaissance» a produit une vulgate pseudo-schumpétérienne qui fait de l’entrepreneur innovant le personnage central du développement économique, prenant des risques pour créer de nouveaux produits et emplois et ne demandant qu’un peu de capital-risque et d’être libéré du «fardeau réglementaire».

 

Cette idée répandue en Europe est qu’il manque ici cette culture de l’entrepreneuriat qui a favorisé le développement de la Silicon Valley, là-bas. Ce genre de représentation conduit à survaloriser les PME et à dévaloriser voire nier le rôle des pouvoirs publics.

 

1) Un État purement régalien ne génère pas d’innovation

Si le rôle de l’État s’était limité à ces seules fonctions régaliennes, il n’y aurait jamais eu de révolution industrielle et de décollage de la croissance.

 

L’État régalien est une institution politique dont la structure administrative parvient, directement ou par délégation, à faire respecter les lois, les réglementations et à lever l’impôt. Elle y parvient grâce au maintien de l’ordre public assuré par l’armée, la police et le système judiciaire. (On peut rajouter la fonction de « battre monnaie »).

 

Pouvoirs absolutistes des empereurs chinois ou des rois de France avant 1789 remplissaient parfaitement les fonctions régaliennes. Mais le peuple était sous-éduqué et il n’existait pas de séparation des pouvoirs garantissant pleinement la liberté de production et la circulation du savoir. Pas de protection des droits de propriété ni de destruction créatrice car il fallait avant tout éviter qu’un individu ne devienne riche et puissant pour remettre en le pouvoir établi.

 

Une première évolution de l ’État (GB révolution 1688 puis France 1789) a été de limiter le pouvoir du souverain grâce à la montée en puissance du Parlement au sein duquel les forces économiques émergentes (bourgeoisie commerçante) ont pu défendre leurs intérêts.

 

2) Un État investisseur doté d’une capacité fiscale

Besley et Persson (2011) font apparaître l’importance d’une capacité fiscale, une aptitude à lever l’impôt pour ensuite investir dans les grands services publics (infrastructures, éducation, santé, etc.).

 

La concurrence militaire ou la concurrence sur le marché international des biens et services sont souvent le levier de réformes institutionnelles et de développement économique.

 

L’État doit avoir des actions incitatives dans certains domaines.

 

a) L’innovation est génératrice d’externalités positives

L’argument est que le marché ne permet pas la prise en compte par les agents privés de tous les effets de leurs actions sur la société. Cela se manifeste en particulier par la présence d’externalités liées au savoir : un agent ne peut généralement pas s’approprier tous les bénéfices associés à son innovation. D'autres agents pourront utiliser le savoir nouveau qu'il a produit pour réaliser à leur tour des innovations, sources pour eux de bénéfices, sans rémunérer l'inventeur initial. Ainsi, le rendement privé de la recherche peut être inférieur à son rendement social (sous-optimalité). En conséquence, les agents peuvent sous-investir en recherche, se cantonnant aux projets qui ont un rendement privé suffisant, alors que d'autres projets auraient un rendement social élevé mais ne sont pas réalisés [4.14.242 croissance endogène]).

 

b) L’État essaye de retrouver une situation optimale en conciliant une élévation du rendement social de la recherche avec une élévation du rendement privé

La mission de l'État dans un tel cadre et de faire en sorte que l'investissement en recherche soit à la mesure du rendement social de cette activité ; il doit élever le rendement privé de la recherche afin d’inciter à cette activité et tout en essayant d’accroître son rendement social.

 

La difficulté pour l’État de promouvoir les activités génératrices d’externalités et faire face aux problèmes de sous-optimalité est qu’il doit être capable de les identifier, de contrôler que les agents bénéficiant de son intervention remplissent bien leur contrat.

 

Mais, l’État n'est pas nécessairement la puissance bienveillante et omnisciente. Est-on certain que les projets choisis par les chercheurs du secteur public ou les décideurs politiques correspondent aux intérêts de la nation ? S’il y a des défaillances du marché, il existe aussi des défaillances dues à l’État. Cela doit rendre prudent quant à l'intervention publique.

 

 

C’est ce que théorisent les modèles de croissance endogène à travers le rôle des pouvoirs publics en termes d’incitation à l’investissement, à la formation, à la recherche.