b) Des explications plus robustes : l’articulation technologie - institution

Il existe des innovations : isolées, l’impact est insuffisant. Une innovation ne fait pas la croissance

 

Les sociétés qui se sont développées sont passées d’un savoir essentiellement pratique à un savoir pratique articulé avec un savoir scientifique

Ex : des recettes de mélange sont connues depuis longtemps. Avec le concept de composition chimique, de nouveaux composés ont pu être crées pour répondre à des besoins (ex : Tableau de classification périodique de Mendeleiev)

 

Un dialogue entre science et technique s’est installé, favorisé par les mathématiques.

 

Quels en sont les facteurs ? L’historien de l’économie Joël Mokyr (La culture de la croissance. Les origines de l’économie moderne, 2016) entre autres propose des axes.

 

* La diffusion du savoir et de l’information génère de l’innovation cumulative

Diffusion des services postaux, coûts d’impression décroissants (

(Gutemberg mi XV°, C. Plantin à Anvers au XVI° siècle) => journaux et encyclopédies apparaissent

 

  • 1704 (Lexicon technicum de J. Harris) et 1728 (Unuversal Dictionary of arts and sciences de E. Chambers) en GB
  •  En France, Diderot et d’Alambert et alii en 1751 : l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (72 000 thèmes sont développés)

 

Les échanges d’idées, les sociétés savantes et clubs scientifiques permettent le partage de l’information plutôt que de la laisser enfermer au sein de guildes et corporations

(Un point sur les corporations issues du Moyen Âge, progressistes devenues conservatrices quant à la question de l’innovation et du savoir)

 

Ainsi, chaque inventeur ne repart pas de zéro à chaque nouvelle invention, il devient riche de toutes les inventions l’ayant précédé et capable de « construire sur les épaules des géants » (Bernard de Chartres est un philosophe platonicien français du XIIe siècle)

 

Il y a ouverture, libre circulation des idées entre inventeurs et d’un pays à l’autre ce qui joue un rôle majeur dans le processus cumulatif d’innovation et par la suite dans le décollage.

 

Mokyr insiste également sur le rôle de La République des Lettres

Elle désigne depuis la Renaissance un espace immatériel qui transcende les entités territoriales et réunit les lettrés européens, comme s'ils étaient membre d'une même république invisible, à travers la création littéraire, les échanges épistolaires et des rencontres autour de valeurs partagées, rendues possibles grâce à une langue européenne commune, le latin. Les humanistes sont ainsi en contact constant par le biais des lettres et des voyages.

 

* L’importance de la concurrence

 

En Europe s’est installée une concurrence entre pays pour attirer les esprits brillants.

 

Elle a permis de soutenir la création malgré les oppositions des forces conservatrices des pouvoirs en place, des églises et des intérêts privés à l’immobilisme. La crainte d’être dépassé l’a emporté sur d’autres considérations.

 

L’absence de pression concurrentielle en Chine permis aux intérêts économique set politiques en place de l’emporter. En 1661, les habitants des côtes doivent se déplacer de 30km à l’intérieur des terres

Jusqu’en 1693, la navigation côtière était interdite et réimposée jusqu’au XVIII° siècle.

L’économie chinoise a stagné sans décoller alors qu’elle était la meilleure candidate à la révolution industrielle

 

L’absence de concurrence a également étouffé Venise. En 1297, craignant une érosion de leur statut, les familles les plus riches et les plus puissantes adoptent des lois limitant la participation au Grand Conseil à quelques familles nobles héréditairement. Le pouvoir politique se ferme, la richesse se concentre et le déclin commence (avec d’autres facteurs)

 

* Des institutions qui protègent les droits de propriété des innovateurs

 

Facteur clé du décollage.

 

Angleterre et France ont acquis un savoir scientifique et technique équivalent à la fin du XVIII° siècle

 Par contre, l’Angleterre est très en avance sur la protection des droits de propriété.

 

 "Glorious revolution" en 1688-1689, le Parlement a la suprématie sur le roi, mettant ainsi les droits de propriété à l’abri du bon vouloir du Prince. C'est la révolution démocratique anglaise.

 

Le registre des brevets (Statute of monopolies en 1624) interdit à la monarchie de délivrer des privilèges exclusifs en matière commerciale sauf pour les premiers et authentiques inventeurs pour un monopole de 14 ans : le brevet d'invention était né.